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30 décembre 2015

Présence de Pol Vandromme

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Une indifférence de rébellion

  

Livre testament que ce florilège de chroniques et d’évocations composé par le regretté Pol(ydore) Vandromme (1927-2009) peu de temps avant sa mort. Dès l’exergue, le ton du livre, dédié à Jacqueline de Roux, l’épouse de son confrère et ami Dominique, est donné par cette citation de Maurice Scève : « Mon espérance est à non espérer ».

La fin du voyage approchant, le vieux critique, l’un des plus brillants et les plus profonds de ces septante dernières années, fait le point, « en désespoir de cause ». « On ne vieillit pas, écrit-il, on durcit à certaines places, on pourrit à d’autres. »  Le remède à cette inévitable sclérose ? La tendresse. De critique, Vandromme se mue en moraliste, mais toujours avec l’allure qui convient, cette indifférence aux dogmes et aux diktats, cette hauteur tempérée par l’humour : « être à l’écart sans être au-dehors, être ici en étant ailleurs ». Voici donc sa feuille de route, destinée aux cadets, à tous ceux dont il salua les débuts avec une rare générosité. Une dernière fois, Vandromme se retourne pour saluer quelques auteurs, pour en égratigner d’autres.

Parmi les premiers, celui que, dans la conversation avec les cadets (le cher Marc Laudelout confirmera), il appelait, en toute simplicité, Louis. Louis ? Louis qui ? Céline, bien sûr, à qui il consacra l’un des premiers essais, juste après son compatriote Marc Hanrez. Non sans malice, Vandromme repère les disciples de l’immense Céline : Queneau, Sartre… Et rappelle que Bagatelles pour un massacre, pamphlet qui n’a pas été lu avec l’attention qu’il mérite en raison de terribles malentendus, est aussi « un manifeste littéraire de l’importance de la préface d’Hernani ». Pour Vandromme, les choses sont simples : Le Voyage au bout de la nuit constitue l’aboutissement et l’apothéose du surréalisme.

Modiano a droit à de belles pages, justes et profondes. Comme Froissart et Chimay, Tournai et Rodenbach, la Meuse et la Sambre. Et Fraigneau, le Vieil Européen. Et Gomez Davila, le réactionnaire pur sucre. Ou l’exquise Marie Nimier.

Mouchés en revanche, Steiner et sa « prose jargonnante aux cocasseries sentencieuses », Sollers (« il travaille dans le génie ; il est Céline les jours pairs, Joyce les jours impairs ; Kafka l’année bissextile »). Plus deux ou trois finauds et bricoleurs.

Rebelle sans rien de faisandé, Pol Vandromme nous adresse d’outre-tombe ce message de lucidité et d’amitié. Lisons-le.

 

Christopher Gérard

 

Pol Vandromme, Une Indifférence de rébellion, Pierre-Guillaume de Roux, 192 pages, 23 €

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En mai 2005, j'avais adressé à Pol(ydore) Vandromme quelques questions pour un entretien paru dans La Revue générale.

 

Christopher Gérard : Lisant L’Humeur des Lettres, ce manuel du lecteur et de l’écrivain, je tombe sur ces lignes qui paraissent vous convenir à la perfection : « en discorde avec siècle, en harmonie avec la littérature ». Seriez-vous l’un de ceux que Nimier appelait les libertins du siècle ?

Vous êtes un critique clairvoyant, à l'intuition souveraine, ce qui me change heureusement des critiques aveugles qui brandissent leur canne blanche et qui ne s'aperçoivent de rien.

Votre devise ? Littérature d'abord ?

Si vous voulez, étant entendu que la littérature ne sert à rien, affranchie qu'elle est de la norme utilitaire - politique, morale, sociale, mercantile -, se bornant à être une incitation au plus voluptueux des plaisirs.

Et si vous deviez citer trois de vos maîtres ?

Puisque vous me contraignez à me borner - sans doute parce que vous croyez avec la sagesse populaire que les bonnes choses ne vont que par trois -, je choisis trois maîtres de style, Saint-Simon, Retz, Pascal

Parmi les écrivains belges (ou français de Belgique), quels sont ceux qui vous ont le plus fait pâlir ?

Par souci de sécurité - les mégères m'attendent au tournant pour bastonner le mauvais sujet, mauvais confrère de surcroît - je m'en tiendrai à des écrivains morts, Max Elskamp, Norge, Simenon, Henri Michaux et Marcel Thiry (parce qu'il m'a fait pâlir au nom de Vancouver).

Depuis plus de trente ans, vous commettez impunément le délit de faux en écriture. D'où vous est venu ce goût pour le pastiche littéraire ? Quel plaisir vous apporte-t-il ?

Parce qu'un écrivain, c'est d'abord un ton, un style. Parce que le pastiche, tentative de critique interne, est un jeu de rôle que soutient l'élan d'une sympathie de tour mimétique (du moins quand il est pratiqué à la suite de Proust, en réprouvant le dénigrement médiocre d'un Reboux). Parce que, en définitive, le plaisir n'a pas de raison à donner, la sienne suffisant à tout.

Parmi tous les auteurs que vous abordez, je ne trouve ni Elémir Bourges, ni Ernst Jünger. Vous imaginez sans peine ma stupéfaction. Justifiez-vous sur le champ !

En somme, vous exigez que je me mette à la mode et que je m'astreigne à un exercice de repentance. Dans le temple des dieux et des déesses, au pied de l'autel antique, je bats ma coulpe en récitant mon confiteor. Je réclame humblement votre pardon et, avec l'espoir que vous me l'accorderez, je suis sensible à votre indulgence, puisque vous ne me réprimandez qu'à propos de mon silence sur Bourges et Jünger. Il y a beaucoup d'autres grands auteurs qui ne sont pas traités dans mon recueil et qui eussent mérité de l'être. Il me semble que vous auriez dû m'accabler de votre courroux en regrettant que mon recueil ne soit pas encyclopédique.

Je vous absous. Et vos projets?

Quoi ! Vous n'avez pas l'air de vous souvenir de La Fontaine: Passe encore de bâtir, mais planter à cet âge ! Un quasi-octogénaire peut avoir des projets, mais aucune assurance de les mener à bien. Voici les miens, pourvu que le Dieu des chrétiens me prête vie: un volume de souvenirs, un essai sur Jacques Perret (Jacques Perret, Gaulois de noble origine, Editions du Rocher) un volume de chroniques, cette fois consacré à des écrivains contemporains. Rien donc qui puisse satisfaire le sens de l'histoire et la conscience universelle.

Dans Les Nobles Voyageurs, je rends hommage à Pol Vandromme.

 

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Écrit par Archaïon dans Mousquetaires et libertins | Lien permanent | Tags : littérature |  Facebook | |  Imprimer |

16 novembre 2015

Matzneff noster

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Récemment, je terminais l’une de mes chroniques consacrées à Gabriel Matzneff en rappelant que, quoi que grommellent les envieux, ce disciple d’Epicure compte parmi les rares classiques d’aujourd’hui.

L’opportune réédition de Boulevard Saint-Germain, augmentée d’une magnifique préface, m’offre l’occasion de confirmer ce jugement : quelle  fluidité de la langue, quelle aisance à invoquer les ombres comme à chanter les plaisirs de l’existence, quel éloge de Paris, la cité de l’empereur Julien !

Voyez ces lignes : « Souvent, lorsque je suis à Paris et que l’air est doux, je vais m’asseoir sur un banc du square de Cluny qui, entre les ruines du palais et l’asphalte du boulevard Saint-Germain, forme un timide asile de verdure, et, fermant les yeux, je me dis : « Rentre en toi-même, Gabriel, et comprends que c’est ici, oui, ici, que le Génie de l’Empire est, en cette nuit mémorable, apparu à Julien. » Quelle plus belle évocation, digne d’un mage de l’ancienne religion, que celle d’une nuit glaciale de février 360, quand les troupes celtes révoltées portèrent sur le pavois le jeune Julien, proclamé empereur à Paris ! L’aventure, trop courte, de Julien II dit l’Apostat commençait. Et voilà que l’orthodoxe Matzneff s’exclame : « rien n’est plus digne de respect que la tentative de restauration opérée par Julien : offrir à nouveau des sacrifices sur les autels abandonnés de Vénus et de Bacchus ».

A l’époque de la première édition, en 1998, Paris n’avait pas encore honoré son premier empereur (le second étant Napoléon). Contrairement à ce que m’écrit l’ami Matzneff dans son envoi manuscrit, cet oubli a été réparé, puisqu’une venelle du XIVème arrondissement porte l’illustre patronyme. A l’époque, j’avais eu l’heureuse surprise de découvrir que je figurais parmi les personnages de ce roman parisien, aux côtés de S.A.I. Julien II, de Casanova et d’Armani, de Montherlant et de Bourvil…

Matzneff nous fait visiter son Paris, ses librairies et ses restaurants, ses salons (celui de Jacques de Ricaumont, détenteur d’une recette mythique de gâteau au chocolat) et ses boutiques. Il nous éblouit par un savoir d’une parfaite élégance.

Boulevard Saint-Germain ? Un hymne au bonheur, à lire et relire en hommage à la cité en deuil. Une pérégrination urbaine, tour à tour drôle et érudite, coquine et émue, un fragment de mémoire que nous laisse ce libertin de race, qui masque à peine une âme inquiète, en laquelle s’équilibrent virilité et sensibilité.

 

Christopher Gérard

 

Gabriel Matzneff, Boulevard Saint-Germain, La petite vermillon, La Table ronde, 8,70€.

 

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Sur Gabriel Matzneff,

lire aussi mon Journal de lecturesNobles Voyageursn couverture seule.jpg

 

Écrit par Archaïon dans Mousquetaires et libertins | Lien permanent | Tags : littérature, paris |  Facebook | |  Imprimer |

08 octobre 2015

Les Années Foch

 

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Biographe de Maurice Ronet, Jean-Pierre Montal dirige Rue Fromentin, une jeune maison d’édition qui a publié un Dictionnaire élégant de l’automobile ainsi qu’un curieux album sur Roger Nimier.

Voilà que, par un joli coup d’essai, il se lance comme romancier et nous fait entendre une voix singulière, entêtante malgré de menues faiblesses, et qui peut faire songer à une sorte de Modiano post-moderne.

Dans Les Années Foch, Montal trace le portrait d’une génération d’enfants perdus, celle de 1995. Le héros ? Un étudiant de province monté à Paris pour y suivre les cours bidon d’une école privée de journalisme (amusants pastiches), mais aussi pour se lancer sur les traces encore fraîches d’une amie d’enfance, évaporée sur les trottoirs de Babylone. Son point de chute ? L’ancienne Avenue du Bois, où Boni de Castellane, le dandy de la Belle Epoque, se fit jadis construire, avec les dollars de son Américaine, le Palais rose, une réplique du Grand Trianon. L’avenue Foch donc, luxueuse et crapuleuse, avec sa faune de diplomates, de proxénètes géorgiens et de tapineuses dites de luxe, avec ses oisifs neurasthéniques et, last but not least, Michel Damborre, dandy lui aussi, mais des sixties, plus ambigu que son modèle et qui m’a fait songer au Sir Craven de Tempo di Roma, ce chef-d’œuvre.

Last, j’exagère, car en fait, car Montal présente, en guise de clin d’œil, une autre figure du milieu parisien, « chauve rondouillard aux lunettes noires », « l’auteur de Métapolitique de l’invisible », qui ne peut être que le sosie du regretté Jean Parvulesco. Là, c’est à Melville que l’on songe, à ses nuits ouatées, pleines de mystère et d’angles morts.

Le coup de maître de Montal, je le vois pour ma part dans l’épilogue, où il revient sur les lieux du crime une génération plus tard, c’est-à-dire en 2020. Le héros a pris des rides et du bide du côté de New York ; il retrouve le Paris glaçant de la numérisation globale et du pistage cybernétique, un Paris aux voitures silencieuses, cool et sans migrants. Ces quelques pages, comme sabrées, frigorifient. Méditation sur l’aliénation moderne, Les Années Foch analysent sans pitié le désenchantement d’une génération forcée de vivre dans un monde toujours plus injuste et plus laid.

 

Christopher Gérard

  

Jean-Pierre Montal, Les Années Foch, Pierre-Guillaume de Roux, 192 pages, 20.90€

 

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Mon papier sur ce bel essai :

http://archaion.hautetfort.com/archive/2013/10/07/tombeau...

 Lire aussi :

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29 septembre 2015

Elégance ?

 

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Quelle joie de pouvoir offrir à qui le mérite ce livre épuisé depuis belle lurette et que l’on déniche, avec un peu de patience, chez les bouquinistes, ces refuges du monde d’avant (le règne sans partage de la marchandise et la vulgarité dominante, l’ignorance satisfaite et le déclin programmé de l’école publique, les migrations de masse et le flicage généralisé – liste non exhaustive…).

 

Œuvre de Tatiana Tolstoï, critique littéraire issue de l’émigration blanche, De l’Elégance masculine, est l’un de ces talismans que l’on se passe en chuchotant, comme Le Chic anglais, de l’illustrissime James Darwen. Daté de 1987, s’il a jauni, l’ouvrage n’a pas pris une ride, car l’auteur entendait traiter de l’élégance classique – celle qui survit à tous les cataclysmes. Nous parlons bien de l’élégance britannique, édouardienne – il n’y en a pas d’autre.

 Costumes, chapeaux, chaussures et chaussettes, chemises et cravates, tenues de sport (les puristes froncent le sourcil) ou d’apparat, bijoux (sourires)… toute la panoplie du gentilhomme fait l’objet d’une étude sans concession à l’esprit de mode, cette fadaise. Entre chaque chapitre, agrémenté de dessins d’une belle sobriété, un portrait, non de dandy ni d’excentrique, ces paroxysmes maladifs, mais d’élégant, est proposé. La différence ? Simple : l’élégant porte (ou rêve de porter) des tweeds de trente ans, des bottines usées, des boutons de manchettes d’avant les Grandes Conflagrations, bref ce que s’imposait son défunt grand-père. L’élégant n’adore qu’un dieu, qui a pour nom Equilibre. Ni snob ni conformiste, il fait sien ce principe, synthétisé de manière géniale par Lady Tatiana : « une erreur vestimentaire pensée devient un élément de style chez l’homme élégant ». A la bonne heure. Ses règles de vie, quasi stoïciennes ou, disons, jansénistes, sont simples : « ne susciter la surprise qu’avec la certitude de plaire », « n’avoir de pensées tristes à révéler autrement que par un mot piquant », « n’accepter de paraître souffrant qu’à la minute où l’on meurt ».

 Pour chaque chapitre, Tatiana Tolstoï s’est amusée à définir divers types d’erreur à éviter (ou non), qu’elle illustre d’exemples. L’exercice est du plus haut plaisant, et force le lecteur à s’interroger sur la pertinence de tel ou tel verdict. 

 Ainsi, Tatiana Tolstoï distingue les vêtements à brûler, ceux à éviter, les erreurs sans importance, les erreurs délicieuses si commises en toute conscience, auxquelles succèdent les erreurs irritantes, pathétiques, effroyables, pour finir par les abominations.

 Jouons un peu.

 A brûler : le béret, le costume aux revers soulignés d’une piqûre, la chemise en soie, la cravate qui descend au milieu de la braguette, la veste en tweed neuve avec empiècement aux coudes, le blazer avec écusson, les chaussures vert salade, la chevalière en or avec initiales et la montre au bracelet en acier.

 Erreurs sans importance : le costume élimé, le chapeau de tweed froissé…

 Erreurs délicieuses si volontaires : se rendre à un cocktail en costume de flanelle grise, la chemise à rayures avec un costume rayé…

 Erreurs irritantes : la chemise à col cassé avec le smoking, le papillon monté, la veste autrichienne au printemps et les chaussures noires avec un blazer, la veste d’un costume croisé déboutonnée…

 Erreurs effroyables ou pathétiques, voire abominables (à vous de deviner, lecteurs) : boutonner tous les boutons d’un costume droit, ne pas avoir déboutonné son costume droit en entrant dans une pièce, un fédora bleu à la campagne, des chaussettes blanches avec un smoking, une cravate de soie jacquard avec une veste de tweed, le cummerbund rouge vif, le smoking avec nœud papillon rouge (vif), la pochette assortie à la cravate… Je vous épargne tout de même le porte-clefs accroché à la ceinture.

 En un mot comme en cent, amis lecteurs, potassez De l’Elégance masculine, discutez-en autour d’un bon porto, cigare au bec, conscient que « l’apparition d’un homme élégant hante les mémoires ».

 

 Christopher Gérard

 Tatiana Tolstoï, De l’Elégance masculine, Acropole, 1987.

 

24 juin 2015

André Fraigneau ou l’élégance du phénix

 

 

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 Mon papier sur André Fraigneau, paru sur le site de Causeur :

 

http://www.causeur.fr/andre-fraigneau-galimard-flavigny-3...

 

 

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Redécouvert pour la troisième ou quatrième fois depuis ses débuts littéraires vers 1930, André Fraigneau (1905-1991) revient parmi nous grâce à la garde rapprochée de celui qui incarna à la perfection « le gardien d’une ambition raffinée », pour citer Bertrand Galimard Flavigny. C’est à lui, ainsi qu’au travail souterrain du cher Michel Mourlet, que nous devons le magnifique ouvrage que publient avec un goût très sûr les éditions Séguier. Dans sa préface, Michel Déon évoque ce « coup de foudre de l’amitié » qui les lia à jamais, avant de céder la parole à Fraigneau lui-même, que nous écoutons répondre aux questions de Bertrand Galimard Flavigny. Cet inédit miraculeusement sauvegardé ressuscite cinquante ans de vie artistique et littéraire. Fraigneau commença par peindre et dessiner avant de choisir la plume ; il fut aussi un mélomane averti, et l’ami des Six, surtout d’Henri Sauguet. Tout un âge d’argent – oui, une fête galante - nous est décrit par la voix mélodieuse de ce prince de la jeunesse, si bien défini par cette sentence à mémoriser : « ne rien devoir à son époque, ne rien solliciter d’elle, parier contre ses goûts et ses fanatismes ». Quel plus beau programme pour les actuels semi-clandestins des Lettres ?

 Au fil des pages, apparaissent Barrès et Cocteau, Auric et Salvat, Nimier et Boutang. Et Nîmes et l’Attique dans sa lumière fauve. La Rhumerie  et le Bœuf sur le toit, Yourcenar et Louis II de Bavière… Un festin, entre Venise et Port-Royal, entre rigueur et volupté. Janséniste fasciné par Julien l’Apostat, baroque tenté par la clôture, André Fraigneau croyait, disait-il, « à la nuit profonde et aux chemins obscurs de la Providence ». Un Romain de haute époque adouci par l’eau du Grand Fleuve, celle du Romantisme allemand. Quelques textes oubliés de l’écrivain enrichissent ce bel ensemble en démontrant par l’exemple à quelle lignée il appartenait : celle qui réunit Joinville et Morand en passant par Stendhal – style direct et ligne claire.

 Livr’Arbitres, l’élégante revue littéraire du courant « désinvolte » rassemble pour sa part, sous la férule de Michel Mourlet, un florilège de témoignages et de réflexions sur l’écrivain, sur ce que Mourlet nomme « une littérature aiguë, précieuse et foudroyante » : Kasbi, Eibel, Dedet et quelques autres happy few saluent le prince disparu, tandis que Philippe d’Hugues nous parle avec chaleur de La Chronique de Paris des années de guerre, quand Fraigneau tentait de conjurer les démons de la destruction. Une étude de quelques grands critiques littéraires, de Poulet à Sénart, clôture ce joli volume appelé à devenir un talisman.

 

Christopher Gérard

 

André Fraigneau ou l’Elégance du phénix, Séguier, 220 p. 21€

Livr’Arbitres 16, André Fraigneau, prince de la jeunesse, 64 p., 7€

www.livr-arbitres.com

  

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 Voir aussi

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