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10 juillet 2025

Sur La Source pérenne

 

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À l’origine du titre, une expérience, une image aussi – la source vive qui coule, en plein cœur de Rome, sous la basilique San Clemente al Laterano, à côté du mithræum souterrain. Tout un symbole : une basilique paléo-chrétienne appartenant à des Dominicains irlandais, où subsiste, enfoui, le temple païen.

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Pour faire bref, le païen est l’héritier conscient d’une culture plurimillénaire, celle de l’Europe en ce qui nous concerne, qu’il entend maintenir, enrichir et transmettre. Sa quête d’harmonie et de sagesse le pousse à redécouvrir les mythes qui irriguent notre imaginaire et qui, par la voie de l’allégorie et du symbole, permettent une connaissance réelle qui libère celui qui l’acquiert et, surtout, le rend heureux.

Cette posture requiert d’entendre « l’appel du réel » (Marcel Conche) sans jamais faire dépendre sa sagesse d’une foi ou d’un dogme figé. Il s’agit bien de rechercher la vérité (et non la fausse consolation que propose l’espérance) et de penser (et non de croire).

Acceptant les dieux d’autrui sans jamais les nier, le païen reste conscient que l’univers est une multitude de jardins peuplés de dieux éternels, omniprésents et indifférents à notre sort.

Le païen reconnaît le divin à travers sa manifestation dans le monde visible ; il voit l'univers comme multiple, éternel, soumis à des cycles, ainsi que l’exprime de façon lumineuse Héraclite d’Éphèse dans le fragment 30 : «  Ce monde-ci, le même pour tous, nul des Dieux ni des hommes ne l’a fait. Mais il est toujours là, est et sera. Feu éternel s’allumant en mesure et s’éteignant en mesure. » 

Platon, dans le Gorgias, précise : « Les doctes affirment que le ciel et la terre, les Dieux et les hommes sont liés ensemble par l’amitié, le respect de l’ordre, la modération, la justice, et pour cette raison ils appellent le monde le tout des choses, et non désordre et dérèglement ». Vingt-cinq siècle plus tard, l’un de ses successeurs, Heidegger dira : « La terre et le ciel, les divins et les mortels forment un tout ».

Dans cet univers, qui n'est jamais regardé comme vide de forces (encore moins comme absurde), où tout est forces et puissances régies par un ordre inviolable, le païen cherche à s'insérer ; il essaie de comprendre ce monde dans sa double dimension visible et invisible. Comme le dit Cicéron dans le De Divinatione : « Tout est plein de l’esprit divin et de sens éternel, en conséquence les âmes des hommes sont mues par leur communauté d’essence avec les âmes des Dieux ».

Vivant dans un rapport de coappartenance avec le cosmos, terme grec qui signifie à l’origine ordre, dont il n'est jamais le centre, le païen a pour seul livre la nature, puisque sa religion est celle de la vérité. Son livre est la nature. Son éthique est par définition tragique, faite d'acceptation du destin. Cette dimension tragique est centrale dans la vision païenne, libérée de tout moralisme aliénant, source de malaise et de conflits sans fin.

S'il a la tête dans les étoiles, il garde les pieds enfoncés dans la terre qui est la sienne, sans jamais perdre le contact avec ces deux dimensions. Il est fils de la terre noire et du ciel étoilé.

 

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Se réapproprier cette source pérenne de l’esprit européen, permet de redéfinir notre identité en la fondant sur son socle le plus archaïque, sans pour autant sombrer dans une régression de type tribal. Se libérer des dogmes dualistes, qu’ils soient ceux des monothéistes avec leurs réponses toutes faites, ou, surpuissants aujourd’hui et déclinés sur tous les tons, ceux des titans de la technostructure, permet d’échapper à l’étouffoir spirituel qui nous est imposé, tel un gigantesque tour d’écrou.

Il s’agit bien, et c’est en cela que réside la libération païenne, de redonner à nos existences atrophiée une dimension symbolique, de revivifier des valeurs aristocratiques, de dépasser les conflits sordides – bref, de transcender une bassesse érigée en modèle par le système techno-marchand. En ce sens, le païen cohérent est tout le contraire d’un idolâtre : le Veau d’Or ne lui inspire que mépris.

Etre païen consiste aussi à reconnaître l’inanité des modes de pensée linéaires pour leur préférer les mythes et les cycles, dont la jeunesse est éternelle.

 

 

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Écrit par Archaïon dans Mythes et Dieux, Opera omnia | Lien permanent |  Facebook | |  Imprimer |

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