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28 août 2019

Avec Ludovic Maubreuil

 

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A propos de Cinématique des muses

 

Naguère, j’ai évoqué le premier essai du cher Ludovic Maubreuil, Le cinéma ne se rend pas, ainsi que son  Bréviaire de cinéphilie dissidente, tous deux publiés chez Alexipharmaque.

Né en 68, Ludovic Maubreuil est un cinéphile passionné à l’immense culture, résolument à contre-courant, comme le montre son site http://cinematique.blogspirit.com/.

Pour lui, la cinéphilie est une servante de la philosophie, à rebours de l’actuelle doxa qui réduit le cinéma à un jeu gratuit. Pour Maubreuil, les salles obscures sont devenues autant de cavernes au sens platonicien : des lieux où règnent le mensonge et le dévergondage, des dortoirs pour consommateurs fatigués.

Voilà qu’il nous propose avec Cinématique des muses une étrange galerie de vingt-et-un portraits moins d’actrices que de muses – ou d’initiatrices. Toutes ont ceci en commun qu’elles l’ont, telle Circé, pris dans leurs rets. A dessein, et non sans une élégante impertinence, Maubreuil a écarté les stars, offertes à tous les regards et si omniprésentes. Non, ce qu’il lui faut, ce sont les rares, les fées, les apparitions, les femmes ultimes d’Abellio. Mimsy Farmer, Tina Aumont, la troublante Johanna Shimkus (Les Aventuriers !), et, cette fascinante allégorie de la Mort, Cathy Rosier, l’inoubliable pianiste du Samouraï de Melville, celle aux pieds de qui tombe Jef Costello, l’arme (déchargée) à la main.

Maubreuil use de son érudition encyclopédique autant que non conventionnelle (il a vraiment tout vu et tout retenu) pour mettre en forme cette nostalgie née de l’émotion suscitée par l’apparition à l’écran d’une femme ensorcelante, par le destin souvent contrarié de ces muses disparues.

 

Christopher Gérard

 

Ludovic Maubreuil, Cinématique des muses. Vingt égéries secrètes du cinéma, Pierre-Guillaume de Roux, 216 pages, 18€

 

On dit du mal de Ludovic Maubreuil dans Les Nobles Voyageurs

 

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23 août 2019

Avec Pierre Mari

 

 

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Le titre, En Pays défait, annonce la couleur : l’auteur, Pierre Mari (1956), auteur d’essais sur Rabelais et Kleist, mais aussi de romans,  ne donnera ni dans le consensus mou ni dans le tiède acquiescement. La collection où il publie sa charge contre les mandarins d’aujourd’hui abrite quelques brûlots (les zélotes de Sartre & Foucault en prennent pour leur grade) ; son éditeur, le cher Pierre-Guillaume de Roux, s’inspire sans se cacher le moins du monde de ces précieux volumes allongés de couleur brune (Libertés 49, dirigée par Jean-François Revel) que Jean-Jacques Pauvert éditait dans les années 60 et où l’on retrouvait Berl et Papaïoannou, d’Holbach et Barbey. En cherchant bien chez les bouquinistes survivants, on trouve encore pour quelques euros ces pamphlets d’un autre temps.

Mari, lui, est bien du nôtre, de temps, qu’il qualifie, dans une langue toute classique, de « bagne anthropologiquement inédit » - ce qui est bien vu, puisque, naguère encore, « tout le monde n’appartenait pas au même temps ». Les aspects déplaisants de l’époque, de toutes les époques, pouvaient être compensés par la survie de bulles temporelles comme par la possibilité de « faire dialoguer l’ici et l’ailleurs, le jadis et le maintenant ». Cette possibilité, cet échappatoire sont lentement mais sûrement éradiqués, sous nos yeux, avec la complicité active d’élites aussi déconnectées qu’indifférentes : « Je parle de vous tous qui bénéficiez d’une forme ou d’une autre de consécration, et chez qui j’observe la même pathologie, entretenue et même cultivée : l’incapacité de dire les choses comme tout le monde les sent – l’empêchement de sentir juste et fort. Comme si, dès qu’on échappe à l’anonymat, un implacable constat de tiédeur devait être signé avec la machine pourvoyeuse de visibilité. » Docilité et convenance sont de toutes les époques certes, comme l’abaissement moral, mais depuis les années 80, l’universelle démission, la rupture névrotique du lien civilisationnel, l’amnésie forcée sont devenues la règle. Le désarroi, l’accablement de Pierre Mari, qui sont ceux de toute une génération, la mienne,  proviennent de notre impuissance à comprendre ce qui nous est arrivé.

Comment ce « morne alignement des têtes » que, naïfs, nous croyions propres aux défunts régimes à parti unique, comment cette insupportable langue de coton (un salut en passant à François-Bernard Huyghe qui, le premier, analysa cette dernière), comment ce déclin du courage civique et ce conformisme hargneux se sont-ils ainsi imposés ? C’est ce mystère, ce désir mortifère de sombrer que le talentueux Pierre Mari dissèque d’un scalpel sûr, sans anesthésie.

 

Christopher Gérard

 

Pierre Mari, En Pays défait, Ed. Pierre-Guillaume de Roux, 186 pages, 16€

 

Voir aussi

 

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22 août 2019

Avec Bruno de Cessole

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L’Île du dernier homme

Naguère critique littéraire à Valeurs actuelles et directeur de la Revue des deux mondes, Bruno de Cessole a publié il y a quelques années Le Défilé des réfractaires et L’Internationale des francs-tireurs,  deux anthologies subjectives des auteurs qui ont formé sa sensibilité à rebours du siècle. Tous avaient en commun une réticence à plier le genou devant les donneurs de leçons, un même goût de l’allure... et un très-sûr dégoût des infections mentales. Le regretté Guy Dupré ne parlait-il pas à son propos de « patricien du langage » ?

Voilà que Bruno de Cessole sort de son ermitage avec un roman de plus de quatre cents pages qui illustre cette sentence de Benjamin Franklin placée en exergue du livre : « Ceux qui sacrifient la liberté pour la sécurité n’obtiendront ni ne méritent ni l’une ni l’autre ». Tout ce roman d’une belle gravité s’interroge sur la place laissée ( ?) à nos libertés en ces temps de lutte « contre le terrorisme ». Entre l’Île-de-France et les Cotswolds, de l’Afrique de l’Ouest à Jura, la plus isolée des Hébrides écossaises, de Beyrouth à Alep, nous suivons à la trace un journaliste parisien et une analyste des services secrets britanniques. D’une part, François, quinquagénaire aux goûts littéraires très sûrs (Stendhal, Larbaud, Morand) mais pris d’une périlleuse empathie pour les fous d’Allah sur lesquels il enquête non sans naïveté. De l’autre, Deborah, fille d’un officier du MI 6 qui travaille pour le GCHO, « les grandes oreilles » du Royaume Uni. Le premier est l’un de ces hommes de gauche taraudés par la mauvaise conscience, ce satané désir de repentance comme par « l’obscure attirance pour le pouvoir et la soumission ». Amoureux déçu de la France, cet islamo-gauchiste qui a rendu des services à la cause palestinienne (surtout par mépris de soi) ne peut s’empêcher d’être fasciné par l’Islam combattant, jusqu’à une forme sournoise, plus ou moins avouée, de masochisme qui n’est pas rare dans certaine intelligentsia. Un esprit torturé, complexe, aux lisières de la félonie tant l’aveugle le désir d’un idéal de rechange : « Lui aussi il abominait chez ses contemporains leur effroi devant les vérités trop rudes, leurs compromissions, leur penchant à vouloir tout concilier, ainsi que l’absence de hauteur et de vision à long terme au sein d’une classe politique incompétente ou corrompue ».

De l’autre, sa cadette, linguiste qui perd peu à peu ses illusions sur son rôle dans la protection occulte de ses concitoyens face à l’affolante extension de la surveillance globale. Orwell n’est pas cité par hasard par le père de Deborah, vieil espion désabusé…

Des contacts entre François et des djihadistes de Trappes et de Manchester laissent des traces. La DGSE confie la surveillance du journaliste aux collègues d’Outre-Manche, dans le cadre d’un partage des besognes (et des data). Le GCHO transmet le dossier à la section des dirty tricks et l’affaire s’emballe, comme dans les romans de John Le Carré et de Percy Kemp, un ami de Cessole. L’un et l’autre, le jobard et l’espionne, tous deux manipulés, se retrouvent en Ecosse pour un fatidique face à face sous l’œil d’un inaccessible grand cerf. Un fort roman, érudit et passionné, littéraire en diable. Le retour bienvenu de Bruno de Cessole.

 

Christopher Gérard

 

Bruno de Cessole, L’Île du dernier homme, Albin Michel, 432 pages, 21.90€

 

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Un entretien avec Bruno de Cessole (2008).

 

Qui êtes-vous ? Comment vous définiriez-vous ? Comme certains personnages de votre roman, L’Heure de fermeture dans les jardins d’Occident, à savoir « un agent secret de la civilisation » ?

 

Il m’est difficile de me définir moi-même, et sans doute l’écriture est-elle pour moi le moyen de me connaître mieux, encore que je ne sois pas très porté sur l’introspection. Pour faire bref, disons que j’ai vécu longtemps pour, par, et dans les livres. De façon presque borgésienne  le monde m’apparaissait comme une vaste bibliothèque universelle et je souscrivais volontiers à l’assertion de Mallarmé, à savoir que le but de l’existence est d’aboutir à un beau livre. Je suis un peu revenu de ce fanatisme de jeunesse, et j’ai même cherché à contrebalancer cette influence  en épousant le réel dans ce qu’il a de plus prosaïque et de plus brutal, mais la littérature me semble toujours, non seulement « un souverain remède contre les dégoûts de la vie », mais un viatique pour temps de détresse, et, plus encore, un mode de vie, une manière unique de dédoubler son existence, de connaître par procuration toutes les vies que j’aurais aimé mener et que, par la force des choses, je ne connaîtrai jamais. Aujourd’hui, c’est sans contradictions que je vis ma double identité d’homme de culture et d’homme de la nature  - à travers le recours aux forêts, cher à Jünger. Agent secret de la civilisation ? L’expression, que le grand critique italien Mario Praz s’appliquait à lui-même -  et qualité dont relève à mes yeux un Cyril Connolly, un George Steiner, un Claudio Magris ou un Pietro Citati, me plaît, bien qu’il me paraisse présomptueux de me  l’approprier. Dans la modeste mesure de mes moyens, je me suis efforcé – en tant que journaliste culturel,  critique littéraire, et comme écrivain, notamment  dans ce livre, d’être un passeur, de  faire aimer et de transmettre des œuvres, des traditions,  une certaine idée du goût et de la beauté, dont je constate, navré, qu’elles disparaissent peu à peu sous la lame de fond du « tout marchandise », de l’indifférencié, et du déferlement des modernes Barbares.

 

Quels ont été vos maîtres en littérature, ceux du passé et ceux que vous avez eu la chance de côtoyer ?

 

Plutôt que de maîtres, je parlerai de créanciers, dont je me sens à jamais débiteur. Parmi les écrivains du passé ( expression que je récuse car un grand écrivain est toujours un contemporain ) je suis redevable envers une famille littéraire qui va de Chateaubriand à Montherlant en passant par Stendhal, Baudelaire et Barrès ; mais, par certains aspects,  je  fais aussi allégeance à Flaubert ( pour son éthique littéraire) et à sa postérité, sans même parler des écrivains étrangers, comme  Knut Hamsun, Jorge Luis Borgès ou Evelyn Waugh, ce qui m’entraînerait dans des développements trop longs. Parmi ceux que j’ai eu le privilège de connaître, je citerai au premier chef, Ernst Jünger, Vidia Naipaul, Lawrence Durrell, Mario Vargas Llosa,  Gregor von Rezzori, Ismaïl Kadaré, et, chez les Français, Jacques Laurent, Michel Déon, Bernard Frank, Jean d’Ormesson, et Guy Dupré…

 

Votre roman, dont les personnages paraissent si proches de Sénèque et de Lucrèce, semble témoigner d’une intense nostalgie de l’Antiquité. Quelle en est la source ?

 

L’Antiquité est une vieille passion, depuis les bancs du lycée et de l’université, passion entretenue et développée par la lecture de Nietzsche, Heidegger, et Steiner. Les présocratiques, les Cyniques, les Stoïciens, ont nourri ma pensée, de même que Eschyle et Sophocle, Aristophane, Virgile, Lucrèce, Horace, Tacite et Sénèque, ont formé ma sensibilité. Les derniers jardins de l’Occident, peut-être bientôt en déshérence, ce sont  les sources pérennes d’Athènes et Rome qui les irriguent, même si, en héritiers ingrats, nous avons oublié que les Grecs et les Romains nous ont, les premiers,  appris à vivre, aimer, et mourir. C’est donc sous les espèces de la nostalgie que se tisse notre rapport à cette Atlantide sombrée qu’est l’Antiquité.

 

Ce roman, qui comme l’a bien vu Guy Dupré est un conte philosophique, met en scène une sorte de Diogène parisien, le fascinant Frédéric Stauff. Comment ne pas s’interroger sur ce patronyme qui évoque Faust et les Stauffen (FrédéricII !!!)… ou même le comte von Stauffenberg. Qui est donc ce mixte de Cioran et de… De qui au fait?

 

Anti Socrate, apologiste de Calliclès, et héritier lointain de Diogène le Chien, Frédéric Stauff, philosophe non salarié, est un être de fiction, dont le nom est, on l’aura deviné, l’anagramme de Faust. Mais ce Faust inversé, dont la volonté de puissance est tournée contre lui-même, emprunte un certain nombre de traits, de formules et d’idées, à quelques personnages bien réels : l’irascible Docteur Johnson, Nietzsche,  Schopenhauer, et, bien sûr, E.M Cioran, qui, comme lui, hantait les jardins du Luxembourg et ses parages, déplorait l’inconvénient d’être né, campait sur les cimes du désespoir, et déclinait les syllogismes de l'amertume. On pourrait aussi relever chez lui des ressemblances avec des héros de fiction comme le Neveu de Rameau ou le M Lepage du Confort intellectuel de Marcel Aymé. En revanche, mon personnage qui prône l’abstention, le refus de l’agir, et tient l’Histoire pour un catalogue de calamités, ne doit rien  à Fréderic de Hohenstaufen – si fascinant soit-il,  ni, moins encore, à Claus von Stauffenberg, si admirable soit-il  …  

 

Tout le roman (le conte) baigne dans une atmosphère à la fois crépusculaire et allègre. Pourrais-je vous qualifier d’auteur tragique ? De contemplateur ironique de notre présente (et provisoire ?) déréliction ?

 

De fait, j’ai tenté, dans ce livre, d’ exprimer ce qu’est la « joie tragique », autrement dit l’exultation  violente que l’on peut éprouver à se sentir vivre , ici et maintenant, en pleine harmonie avec un univers sans arrière-monde, affranchi de l'espoir, comme de la crainte,  face à l’échéance finale au terme de laquelle nous retournerons en poussière. Ce que Frédéric Stauff résume en ces termes : «  Que ma destinée fût éphémère, que ce corps, fidèle serviteur de mes désirs, dût retourner au néant dont il était sorti, ne m’était pas source de chagrin ou de ressentiment, mais, à rebours, motif à célébrer dans cette vie fugace et traversée, le principe adorable de la puissance, de la gloire, et de l’éternité ». De là, l’allégresse qui traverse le livre et dissipe l’atmosphère crépusculaire ( le pressentiment de la fin d’une civilisation, dont la fermeture des jardins d’occident est la métaphore) que vous évoquez. Avec l’allégresse, l’ironie, vous avez raison de le souligner, est, en effet, l’autre composante majeure du roman qui n’est pas, comme certains ont voulu le voir, une charge contre notre époque, mais un exercice d’admiration, de gratitude,  envers les grands intercesseurs, philosophes et écrivains, paysages spirituels, qui, à travers l’épaisseur du temps, nous ont aidé et nous aident toujours à vivre, ou à survivre.

 

Propos recueillis par Christopher Gérard pour le Magazine des Livres

Paris, octobre 2008.

 

Il est question de Bruno de Cessole dans mes Nobles Voyageurs

 

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21 août 2019

Avec Paul Morand

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« Voyager, c ‘est s’étonner ; sinon le voyage n’est plus qu’un déplacement » disait Paul Morand (1888-1976) à la fin de sa vie. Le remarquable Bains de mer, bains de rêve & autres voyages de la collection Bouquins rassemble des récits, connus ou non, de cet extraordinaire voyageur, intuitif et charnel, orfèvre de notre langue et incollable de manière désespérante, car l’homme savait tout, voyait tout et écrivait comme personne.

Suez et Bangkok en 1925, la malle des Indes et celle d’Ostende-Douvres, la Venise de Byron et d’Henri de Régnier (Morand y fit quarante séjours), Capri et Tanger, Ispahan et Buenos Aires, la Bretagne encore inviolée (« ce qu’il y a de plus beau en France, de moins latin »), le Londres édouardien et une New York encore européenne, Morand le cosmopolite, Morand der Wanderer, nous les fait visiter au pas de course, avec style et non sans une discrète mélancolie, celle de l’esthète conscient d’avoir connu « la fin du bal » et l’inexorable montée du « magma d’indifférenciation ».

Les passages sur les bains de mer sont tout bonnement délicieux : « Bains tant attendus, au cours des mois d’hiver, recréés par le désir, du fond de quelque noir bureau, de quelque usine assombrie par un jour tombant bien qu’à peine levé, heures dures contre lesquelles l’esclave du quotidien trébuche comme sur une pierre. »

Ce fort volume nous fait entendre à nouveau la voix de l’écrivain diplomate, qui s’y révèle historien et géographe à la fulgurante lucidité autant que poète. Médecin des âmes aussi, car toute mélancolie s’évanouit au bout de trois pages... et il y en a plus de mille. Amis lecteurs, faites donc une cure de Morand !

 

Christopher Gérard

 

Paul Morand, Bains de mer, bains de rêve & autres voyages, édition établie et présentée par Olivier Aubertin, préface de Nicolas d’Estienne d’Orves, Bouquin, Robert Laffont, 1088 pages, 32€

 

Il est question de Paul Morand dans Les Nobles Voyageurs

 

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20 août 2019

Avec Arnaud Bordes

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Editeur plus ou moins clandestin, Arnaud Bordes est avant tout écrivain, et l’un des plus fins connaisseurs de la Décadence et de l’esthétique fin-de-siècle. Des livres denses et cryptés, parfois jusqu’au vertige, tels que Pop conspiration ou On attendra Victoire témoignent du talent désinvolte d’Arnaud Bordes comme de son érudition hors du commun – mais cet érudit qui a tout lu se révèle aussi faussaire de grand chemin et farceur de génie. Son dernier livre, Le Magasin des accessoires, évoque les admirables Vies imaginaires de Marcel Schwob, contes fantastiques où se croisaient gentilshommes de fortune et filles perdues (si possible tuberculeuses). Arnaud Bordes suit son maître à la lettre, qui affirmait que « le biographe n’a pas à se préoccuper d’être vrai ; il doit créer dans un chaos de traits vivants ». Barbare et précieux, souvent à la limite du mauvais goût, comme par coquetterie, un tantinet pervers mais avec classe, Arnaud Bordes nous fait redécouvrir toute une galerie de personnages oubliés, dont certains ont existé (Elémir Bourges, Papianille d’Autun, le fils caché de Joris-Karl Huysmans, etc.) : mondaines et dandys, corsaires et apothicaires, poètes éthyliques ou rats de bibliothèque morts étouffés… Tour à tour morbide et cruel, brutal et raffiné, l’écrivain aime à se risquer « sur le bizarre » ; il s’amuse à brouiller les pistes entre deux fulgurances ; il enchante le lecteur par son art de l’ellipse et par ce talent à sous-entendre. Du Bas Empire à la Belle Epoque, des épidémies médiévales aux bars des années 20, nous suivons, le cœur battant, ce rescapé de l’aventure symboliste jusqu’aux Antilles et même jusqu’à Ostende.

 

Christopher Gérard

 

Arnaud Bordes, Le Magasin des accessoires, Editions A. Isarn, 134 pages, 16€

 

On dit du mal d'Arnaud Bordes dans Les Nobles Voyageurs

 

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