Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05 mai 2014

La Chambre d’art

1507-1.jpg

 

Premier roman de l’ancien diplomate et éditeur André Querton, La Chambre d’art se révèle une jolie réussite : l’intrigue, le rythme et la charpente du récit, le style particulièrement soigné témoignent d’un réel métier, qui évoque parfois Saint-Germain ou la négociation, de Francis Walder (1958). Résolument antimoderne, ce roman propose, dans une langue raffinée, une belle analyse du délitement d’un état fédéral qui, en raison des troubles, décide de mettre à l’abri les collections du Musée national. Le narrateur, Ignace, lettré récemment retraité dans la ferme-château de ses ancêtres, est ainsi chargé par « les autorités compétentes » de recueillir quelques centaines de caisses d’œuvres d’art. Alors que son manoir échappe à ces troubles bien lointains et quasi abstraits - il s’agit bien d’un conte philosophique, voire d’une uchronie -, le narrateur, qui désobéit pour la première fois de sa vie à l’Autorité, se prend au jeu d’ouvrir ces fameuses caisses. Au fil de ses trouvailles, il se plaît à reconstituer le cabinet de curiosité de Cornélius van der Geest, marchand anversois du XVIIème siècle. 

Ledit cabinet exerce sur Ignace une fascination grandissante qui tourne à la manie morbide, jusqu’au sardanapalesque dénouement. La Chambre d’art est bien le prétexte à une hautaine méditation sur la fuite du temps et l’érosion des valeurs, sur le destin des civilisations et la folie des hommes, sur la survie de la culture dans un monde en voie d’ensauvagement.

 

Christopher Gérard

 

André Querton, La Chambre d’art, L’Age d’Homme, 257 p.

Écrit par Archaïon dans Lectures | Lien permanent | Tags : littérature |  Facebook | |  Imprimer |

29 avril 2014

Le Regard des princes à minuit

Le_regard_des_princes_a_minuit.jpg

Auteur célèbre de (bonne) littérature pour adolescents, Erik Lhomme est avant tout un aventurier, qui, naguère, risqua sa peau dans les neiges de l’Hindou Kouch sur les traces du yéti ou des dernières tribus polythéistes. Alpiniste, fin lettré et écrivain à succès : cocktail peu courant et d’autant plus savoureux que, réfugié dans son refuge de la Drôme provençale, l’homme est resté d’une simplicité franciscaine. Surtout, il est demeuré fidèle à sa jeunesse rebelle – une rébellion par le haut, chevaleresque et vitaliste. Sept nouvelles dédiées à la mémoire du regretté Jean-Louis Foncine attestent que notre prince Erik ne renie pas ses maîtres Nietzsche et Héraclite. Sept récits d’épreuves qui sont autant d’illustrations d’une même révolte contre le monde moderne, sa veulerie et sa vulgarité. Que ses héros dansent la câline mazurka (« qui permet à une fille d’être intime avec un garçon sans qu’elle ait besoin d’enlever ses vêtements »), qu’ils dynamitent sans complexe une antenne de télévision (cet instrument du mensonge), se bagarrent à mains nues (comme dans Fight Club) ou méditent à la belle étoile dans la forêt de Brocéliande, tous cheminent vers une initiation sans rien de formel. Tous subissent une épreuve qui leur permet de mieux se connaître et de devenir ce qu’ils sont de toute éternité : des chevaliers. Naïf ? Il s’agit d’un livre pour adolescents (à partir de 12 ans), donc du plus haut sérieux, plein d’enseignements chuchotés au creux de l’oreille à qui en est digne.  Les adultes (jusqu’à 77 ans) le liront – non, je ne vais tout de même pas écrire avec « profit » - avec plaisir.

 

Christopher Gérard

 

Erik Lhomme, Le Regard des princes à minuit, Gallimard jeunesse, 144 pages, 7,65€

24 avril 2014

Lazaret

1507-1.jpg

 

Auteur d’un Manuel de résistance à l’art contemporain, des Carnets d’un obsédé et d’une trentaine d’autres romans et pamphlets, Alain Paucard (XIVème arrondissement) est aussi le président à vie du Club des Ronchons, dont firent partie Pierre Gripari et Jean Dutourd. Ce chantre du Paris populaire et des filles de joie, cet admirateur de Guitry et d’Audiard s’était amusé naguère à composer une sorte d’uchronie, que réédite L’Age d’Homme  - louée soit Son infinie sagesse.

Sous les oripeaux de la série B transparaît le conte philosophique, pas vraiment rousseauiste, même si, dans une autre vie, l’auteur fut proche du Komintern (ou quelque chose d’approchant). Dans un Paris à peine futuriste où règne un strict apartheid spatial, le quartier de la Défense, qui symbolise l’enfer sur terre (Le Corbusier et consorts étant considérés par l’auteur comme des criminels de béton) est devenu une sorte de ghetto – le lazaret – réservé non aux lépreux mais aux héroïnomanes, parqués manu militari et livrés au pouvoir de kapos sans scrupules. Trois castes y coexistent ( ?) : les maîtres, qui contrôlent la poudre obligeamment fournie par le Ministère de la Santé ; les esclaves, qui travaillent et les larves, qui meurent. Le lecteur y suit à la trace trois nouveaux-venus, raflés par la police et transportés dans cette jungle urbaine où règne la force brute. C’est peu dire que Paucard jubile quand il décrit, dans une langue ferme et emplie d’un tranquille cynisme, les atroces jeux de pouvoir qui se déroulent dans ce lazaret. Pourtant, le destin veille et l’horrible pyramide vacille. Unhappy end garantie. Sacré Paucard !

 

Christopher Gérard

 

Alain Paucard, Lazaret, L’Age d’Homme, 15€.

Livr'Arbitres

Livr'arbitres.jpg

A lire, les commentaires, comme toujours pertinents et pleins d'élégance, du Chouan des villes, avec en prime une amusante photo de votre serviteur: 

http://lechouandesvilles.over-blog.com/article-avis-aux-a...

 

*

Magnifique soirée d'amitié vendredi dernier pour le lancement de cette nouvelle livraison de Livr'Arbitres consacrée à Marcel Aymé, et dont j'ai coordonné le dossier Dandysme (avec Ludovic Maubreuil sur quelques samouraïs du cinéma français, un entretien avec le Chouan des villes et votre serviteur).

http://livr-arbitres.com/

 

Écrit par Archaïon dans Lectures | Lien permanent | Tags : littérature, dandysme |  Facebook | |  Imprimer |

22 avril 2014

Dernières nouvelles du jazz

abou.jpg

 

Auteur de deux essais sur le jazz, collaborateur de Jazz Magazine et des Cahiers du Jazz, Jacques Aboucaya incarne ce genre de spécialiste incollable qui, au bout de sept secondes, reconnaît tel concert donné en 1902 à la Nouvelle Orléans, tel jam session bruxelloise des années 40. Evoquer devant lui Art Pepper ou même Marcus Lowdeloo le plonge en transe, une transe que seul un triple bourbon hors d’âge parvient à calmer. Un dur et pur, un fondu du microsillon, empli d’un total mépris pour les CD (« ce signe qui sonne comme un ordre de capitulation »). Last but not least, Jacques Aboucaya est un écrivain de race : ce lettré, critique littéraire exigeant (dans Service littéraire par exemple), ce biographe exemplaire de Paraz, écrit, dans un français limpide, des nouvelles qui se dévorent séance tenante. Moi qui ai peu de goût pour le jazz (mis à part Swing 42 dans l’enregistrement inédit du Palazzo Concordia du 1er avril 1944), je n’avais pu, à l’époque (en 2006), lâcher son recueil de nouvelles avant d’en avoir dégusté la dernière page. Aujourd’hui que L’Age d’Homme a l’excellente idée de rééditer ce recueil enrichi de trois inédits, je réitère mon verdict : ciselées avec un respect infini du lecteur, ponctuées avec une rare maestria (« le bon tempo » dixit F. Cérésa),  ces quinze nouvelles révèlent un auteur d’une clarté solaire. Loufoques (le désopilant Rabbit, ce mainate devenu critique de jazz ; ces extraterrestres fanatiques de Bud Powell) ou poignantes (la jeune vierge sacrifiée sur l’autel du saxophone), ces Dernières nouvelles du jazz sont bien d’un styliste de haut parage.

 

 

Christopher Gérard

 

Jacques Aboucaya, Dernières nouvelles du jazz, L’Age d’Homme, 15€.

 

Écrit par Archaïon dans Lectures | Lien permanent | Tags : littérature, jazz |  Facebook | |  Imprimer |