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21 septembre 2017

Avec Montherlant

 

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Equinoxe de septembre.


Levé tôt, songé à Montherlant et picoré dans ses livres.


Lu ceci, dans Garder tout en composant tout :

"La seule religion acceptable est la religion de l'homme, et de son principe, la vie. Si l'on tient absolument à la matérialiser, on peut le faire dans le culte des objets qui de tous temps ont symbolisé le principe fécondateur : le soleil, le feu, le taureau, etc. L'hypothèse d'une religion révélée abaisse l'homme. Pas de rémunération post-mortem."


Montherlant, nous sommes quelques-uns à ne pas vous avoir oublié et à persister - comme si de rien n'était.

 

Sur Montherlant,

voir mon étude sur la face païenne de l'écrivain dans :

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28 juillet 2017

Virgile, notre vigie

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Si le latin, tour à tour langue des administrations et des armées impériales, des érudits et des ecclésiastiques (jusqu’en 1962, avec quelques îlots de résistance), des lettrés d’hier (Montherlant) ou d’aujourd’hui (Matzneff, Oberlé, Féquant), peut à juste titre être qualifié d’idiome sacré de l’Europe, Virgile est bien l’un de ses principaux prophètes.

Avec Virgile, notre vigie, un essai appelé à devenir classique, Xavier Darcos, de l’Académie française, le rappelle avec brio, lui qui cite le Poète, dans l’Enéide,  Antiquam inquirite matrem – recherchez la mère ancienne. Cette antiqua mater, c’est la langue de César et de Cicéron, de Tacite et d’Ovide, de Virgile enfin, qui « rédige le poème de Rome et de la latinité tout entière, la Rome d’Auguste et de toujours, la reine de l’Occident qui survit à ses dieux païens ».

A lire ces lignes, ami lecteur, je devine ton discret soupir : encore un essai scrogneugneu sur l’héritage antique, qu’il faudrait admirer par décret, suivi de l’inévitable lamentation sur le déclin de nos tempora et de nos mores, et caetera. Eh bien pas du tout ! Servi par un enthousiasme qui le rend parfois injuste à l’égard d’Homère, Xavier Darcos, sans nostalgie aucune, dépoussière le Poète de Mantoue. En ce sens, il s’inscrit dans la lignée des Carcopino, Boyancé, Grimal – la fine fleur de l’humanisme français. Surtout, il propose à notre admiration un immense poète, vigie au milieu du chaos, celui du Ier siècle A.C. avec ses guerres civiles et ses conjurations, comme celui de notre société « rapiécée et vaporisée ». Car Virgile a vécu la fin d’un monde, celui d’une République sénescente et vermoulue et l’avènement d’un nouveau régime, l’Imperium d’Auguste, que Darcos définit justement comme une révolution conservatrice. Proche du Princeps Octave, futur Auguste, le frugal Virgile sert le nouveau régime sans servilité aucune, par reconnaissance pour un chef d’état qui rétablit la paix et fait de Rome la capitale du monde civilisé. L’ancien provincial, resté si proche de ses racines paysannes, chante l’ordo saeculorum magnus, ce grand agencement des siècles où règne la concorde et qui bannit, un temps, les passions destructrices. Exhorté par le Souverain, Virgile compose l’Enéide, la chanson de geste romaine par excellence, l’épopée qui, depuis sa divulgation il y a vingt siècles et son phénoménal succès, a connu une nouvelle traduction tous les sept ans, comme par un sortilège de l’antique magie. L’aventure d’Enée le Troyen y rejoint celle d’Auguste le Romain ; deux hommes providentiels y incarnent les vertus de la race romaine – piété filiale, sens du sacré, courage physique et moral, sentiment du devoir et acceptation du destin. Darcos a mille fois raison de définir Enée comme un héros moderne, affranchi de tout sauf de ses devoirs dictés par la providence (Dieu ou les Dieux), mais aussi comme un « remède mental », car, depuis toujours, Virgile a fasciné l’Occident, de Dante à Hugo, de Broch à Valéry. Ce remède, décliné par Virgile et appliqué par Auguste, tient en quelques principes sains : fides, pietas, maiestas, gravitas, virtus… Nul besoin de dictionnaire pour comprendre que nous nous trouvons là aux antipodes de notre bel aujourd’hui. Raison de plus pour partir sur les traces du Poète qui chanta la réconciliation entre les citoyens et leur prince, entre les hommes et le monde, entre les humains et les Dieux.

 

Christopher Gérard

 

Xavier Darcos, Virgile, notre vigie, Fayard, 278 pages, 19€

 

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25 juillet 2017

Comme un bal de fantômes

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Curieux ouvrage que je reçois là, édité avec goût, composé avec cette grâce nonchalante et un peu farceuse qui est la marque d’Eric Poindron, un auteur étonnant, féru de livres oubliés et de papillons rares, éditeur  maniaque - un dandy érudit qui fête ses cinquante printemps avec ce recueil de songeries. De quoi s’agit-il ? D’une sorte de roman composé de septante-cinq chapitres aux titres poétiques : Neige de sang, Lanterne, Le Lecteur somnambule, Bibliolibrius (parfait surnom pour l’auteur), Nageur et poète… Eric Poindron ? Un bibliomane excentrique qui pourrait être British et qui nous fait partager ses insomnies en entrouvrant quelques portes de son cabinet de curiosités, où je retrouve avec plaisir, au milieu de chats et d’incunables, Guy Féquant et Jérôme Leroy, Samuel Brussell et Marcel Béalu, et aussi Hérodote et Tesson (Sylvain), Wiertz et Borges, Barnabooth et Vogelsang. Et Ostende et Moscou que ce « rêveur de prose » connaît comme sa poche. La langue est nette, l’imaginaire richissime (Nerval !). Pourquoi ne pas appareiller en si bonne compagnie ?

 

Christopher Gérard

 

Eric Poindron, Comme un bal de fantômes, Le Castor astral, 234 pages, 17€

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14 juin 2017

Baudelaire au pays des Singes

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Après L’Enfer d’une saison (Editions de Fallois), où il imaginait les errances et les pensées du jeune Rimbaud dans une Bruxelles caniculaire, « au soleil des Hespérides », sur les traces de Baudelaire place Royale et à l’Hôtel du Grand Miroir, Jean-Baptiste Baronian s’est amusé à reprendre à zéro le dossier Baudelaire « au pays des Singes », i.e. dans la Belgique de Léopold II. Nombre d’essais ont été composés (et recopiés) sur ce séjour malheureux (1864-1866), qui se conclut par la crise d’hémiplégie de mars 1866, le début du calvaire, que le cruel destin lui inflige, ô ironie, dans l’église namuroise des Jésuites.

Avec ce livre aussi vif que plaisant, sans l’air d’y toucher, le très-érudit Jean-Baptiste Baronian met fin à quelques légendes tenaces. Ainsi, la belgophobie rabique du poète est d’emblée expliquée par la misanthropie avouée d’un écrivain qui se considère comme un paria, ulcéré de ne pas être reconnu par la critique … et fêté par de généreux éditeurs. « Ce livre sur la Belgique (…) est un essayage de mes griffes. Je m’en servirai plus tard contre la FranceJ’expliquerai patiemment toutes les rasions de mon dégoût du genre humain », écrit-il à Narcisse Ancelle dès le début de son séjour.

Malheureux en amour, horrifié par le monde industriel, écœuré par la comédie de Paris (et aussi terrifié à l’idée d’y affronter ses créanciers), déçu dans ses ambitions éditoriales (surtout quand il compare sa situation à celle du richissime Hugo), Baudelaire se réfugie en Belgique dans le but d’y faire un bon livre d’impressions sur le jeune royaume libéral, et dans l’espoir naïf d’y toucher le pactole. Cette excursion se métamorphose vite en enfer et, malgré le relatif succès de ses conférences au Cercle artistique et littéraire, Baudelaire sombre vite dans la dépression, faute de signer les mirobolants contrats qu’il avait imaginés. D’où, malgré l’amitié d’un Félicien Rops (qualifié de « seul véritable artiste »), sa rage pathétique à l’encontre de la « Grotesque Belgique » et de sa « capitale pour rire ».

 

Christopher Gérard

 

Jean-Baptiste Baronian, Baudelaire au pays des singes, Pierre-Guillaume de Roux, 19,50 €

 

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12 juin 2017

Slobodan Despot : le retour

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Curieux roman que nous offre Slobodan Despot, éditeur non-conformiste (Xénia, et son journal Antipresse), traducteur et auteur d’une première fiction remarquée, Le Miel. Avec Le Rayon bleu, Slobodan Despot change en effet de ton ; il se fait plus cérébral, moins lyrique et même ténébreux. Crypté à souhait, Le Rayon bleu se situe en eaux troubles, aux lisières du roman d’espionnage et du conte philosophique ; le lecteur y croise divers fantômes masqués :  un éditeur dissident de la place Saint-Sulpice, le général slavophile qui conçut la force de frappe française et François de Grossouvre, dont le suicide (avec hématomes multiples) dans son bureau de l’Elysée n’a jamais convaincu grand-monde. Ecoutes téléphoniques, disparitions d’archives et accidents de la route émaillent cette méditation sur la trahison d’une part, sur l’ultima ratio des états de l’autre, à savoir la dissuasion nucléaire. Au cours de son enquête sur le suicide d’un officier supérieur, éminence grise du Président de la République, un jeune journaliste découvre divers rouages de l’Etat profond, qui n’hésite pas à se débarrasser d’un gêneur, surtout s’il est possible de le faire passer pour un traître. A quoi sert ce téléphone de bakélite installé depuis quarante ans dans le manoir d’Herbert de Lesmures et qui sonne à intervalles irréguliers ? Que signifient ces indications en russe, dictées d’une voix sépulcrale au bout du fil ? Pour qui travaille en réalité le chef de la Police secrète, « préfet d’empire dépêché dans nos provinces » ? Qui sont ces mystérieux veilleurs qui, de Moscou à Washington, et même au fond des océans, analysent avec angoisse les capacités de destruction de leurs forces armées ? Qu’appelle-t-on trahir ? Il s’agit bien d’un conte métapolitique, voire métaphysique, par le biais duquel Slobodan Despot expose, dans une langue ciselée, légère de sous-entendus, sa vision de notre bel aujourd’hui, et en fait du mal : « l’intelligence humaine réduite au pragmatisme dans sa parfaite maturité préludant à la régression ».

 

Christopher Gérard

 

Slobodan Despot, Le Rayon bleu, Gallimard, 17€

 

Voir aussi mon Journal de lectures :

 

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