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23 juin 2016

Du foulard comme signe extérieur de croyance

 

 littérature, foulard, islam

Du foulard comme signe extérieur de conviction

Voici un extrait de mon roman, Porte Louise, dans lequel mon héroïne, Louise, débat avec une amie de la présence grandissante dans nos villes du foulard islamique.

« Je profite de l'euphorie pour raconter à Hélène mes retrouvailles avec la ville et lui fais part de ma surprise devant le nombre de mahométanes en foulard.


- Oui, rétorque Hélène, cela donne à la ville un aspect exotique…
- Excuse-moi, tu vas me trouver périphérique, mais j'y vois plutôt une crispation que l'expression d'une coutume, par ailleurs interdite dans la plupart de ces pays.
- Oh, tu sais, Louise, ces femmes veulent sans doute marquer leur différence. Regarde toutes ces filles qui exhibent leur lingerie, n'est-ce pas aussi critiquable? Pourtant cela ne scandalise personne, surtout pas les hommes, de réduire ainsi la femme à un objet de concupiscence. Comme si nous étions condamnées à exciter les mâles. Et puis, un foulard met le regard en évidence, non?
- Non. C'est un signe de soumission. L'acceptation d'une pitoyable vision de la femme, qui pour ne pas tenter le mâle devrait se couvrir. Impensable pour une Celte!
- Ne monte pas sur tes grands chevaux, Louise! Il faut être tolérant. S'enrichir de nos différences …
- Tout à fait d'accord avec toi pour trouver répugnante cette manie d'exposer strings, piercings et tatouages. Je vois cela comme une agression, subtile si j'ose dire, mais bien réelle. La femme et l'homme, réduits à de la viande qu'il faut marquer, mutiler, étiqueter comme dans une boucherie.
- Ah tu vois…
- Mais de là à considérer une femme comme vertueuse parce qu'elle se flanque un morceau de tissu sur les cheveux! Et toutes celles qui laissent leur chevelure libre tout en étant habillée avec décence? Sont-elles moins dignes de respect?
- Tu as raison, mais…
- Hélène, tu m'étonnes. Je pensais que pour toi la liberté ne se discutait pas! Et là, face au quadrillage mahométan, tu tergiverses. Tu cèdes.
- C'est délicat. Sur un plan citoyen …
- Oui ou non, acceptes-tu le symbole? Pense un instant à toutes ces gamines, forcées de s'harnacher pour éviter d'être montrées du doigt, - ou pis. Ce foulard n'est jamais qu'un signe extérieur de conviction. C'est-à-dire la preuve d'une soumission à un code totalement étranger à notre civilisation. »

© Christopher Gérard, Porte Louise, L’Age d’Homme

 

littérature, foulard, islam

 

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21 juin 2016

SOLSTITIUM

solstice

 

 

OPTIMUM  SOLSTITIUM VOBIS OPTO

 

 

« Ce monde, le même pour tous, ni dieu ni homme ne l’a fait, mais il était toujours, il est et il sera, feu toujours vivant, s’allumant en mesure et s’éteignant en mesure. »

 

Héraclite (fragm. 80) ou l’essence du tragique.

 

 

 

 

 

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14 juin 2016

François Kasbi, intègre & inactuel

 

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Lecteur forcené autant qu’incorruptible, François Kasbi est un drôle de pistolet. Critique littéraire, érudit clandestin – une sorte de Pascal Pia (de Jean José Marchand ?) fasciné par Barbey d’Aurevilly et sa tentative d’inventaire de la vie littéraire, ce capricieux n’est jamais superficiel ; cet antimoderne (mais si) ne donne jamais dans l’esprit partisan ; ce méthodique n’a rien, absolument rien, de l’homme de système. Bref, l’homme, charmant, se révèle subtil et généreux. Un extra-terrestre que j’imagine planqué dans une soupente, le coupe-papier à la main.

Vers 2008, il a publié un introuvable Bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés, complété quelques années plus tard par un Supplément inactuel, que l’on réédite aujourd’hui augmenté d’un codicille intempestif et de pages sur Stendhal, Fraigneau et Nimier. Comme beaucoup d’autres, j’attends une nouvelle édition du Bréviaire, et, pour tromper ma soif, je me plonge dans ce Supplément avec un plaisir d’autant plus vif que François Kasbi ponctue bien – rara avis. En deux mots comme en cent, il nous présente une part de sa géographie littéraire non sous la forme d’un énième recueil d’articles, mais bien dans un livre qui se tient, à rebours des modes et en même temps armé d’une saine méfiance pour les panoplies littéraires, ces hochets pour paresseux. L’objectif ? Faire justice, sans a priori et en musique. La vitalité d’Aragon, le charme de Drieu, la grâce de Toulet, la grandeur de Barbey, le génie de Gobineau (l’un des plus fermes prosateurs du XIXème, avec Stendhal), l’acuité de Bloy (qui, bien avant les Surréalistes, découvre Baudelaire et Lautréamont), l’allure de Fraigneau nous valent de jolies pages ciselées, d’une désespérante intelligence. Quelques lignes injustes sur Maurras (« exécrable poète », ts ts ts !), un « en charge de » à la page 55, l’absence de Montherlant, une pique contre le regretté Mabire (qui n’était pas « nationaliste », mais autonomiste normand) n’ont pas réussi à m’agacer plus de quelques secondes tant mon plaisir était vif. Et puis, François Kasbi se moque avec une telle gentillesse de son lecteur. Il nous amuse et nous décrasse l’œil tout en saluant ses maîtres – comme l’immense stendhalien qu’est Philippe Berthier. Lisez François l’Intempestif !

 

Christopher Gérard

 

Supplément inactuel avec codicille intempestif au bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés désemparés, Les Billets de la Bibliothèque, 2016, 14€.

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10 juin 2016

D'Ombres et de flammes

littérature, polar

 

Un polar antimoderne

 

Beyrouth-sur-Loire et La Fille de la pluie, les deux premiers polars de Pierric Guittaut, renouvelaient avec un courage certain l’analyse sans faux-semblants ni préjugés humanitaires d’une France trop rarement décrite : les zones péri-urbaines où végète une population en état de sécession totale, la campagne, mondialisée et hyper-connectée (chômage & ordinateurs).

Cette « société sans honneur », D’Ombres et de flammes, sa dernière Série noire, en dresse un tableau d’une parfaite cruauté. Son héros, un officier de gendarmerie se retrouve muté dans sa Sologne natale à la suite d’une interpellation ultra-violente. Ce bled, qu’il avait quitté dix ans plus tôt à la suite de la disparition inexpliquée de son épouse, redevient bien malgré lui son terrain de chasse. Braconnages et trafic de gibier néo-zélandais, adultères crapuleux et luttes d’influence  constituent son  souci quotidien au fin fond d’une Sologne sans rien d’idyllique, « terre méphitique de marécages et d’oubli ». Comme Maupassant pour la Normandie de jadis, Pierric Guittaut parvient à rendre le caractère dur et sournois de ses paysans, leurs haines recuites, leur ancestrale roublardise. Surtout, et là se pose la question de savoir s’il a lu Claude Seignolle, le maître ès contes sorciers, Pierric Guittaut rend avec un étrange talent cette magie paysanne à l’obsédante présence, avec ses sorts et ses rituels, ses formules assassines – comme « d’ombres et de flammes ».

Face aux défis qu’il ne peut éviter, ce gendarme aux yeux noirs, lui-même fils de sorcier, doit redevenir celui qu’il est : un homme sauvage doté de pouvoirs mortels et à qui parlent des ombres.  D’Ombres et de flammes ? Bien davantage qu’un polar dans la veine paysanne : un roman antimoderne servi par un style d’une belle netteté, une évocation panthéiste du monde invisible par un authentique écrivain de race.

 

Christopher Gérard

 

Pierric Guittaut, D’Ombres et de flammes, Série noire, Gallimard, 18€.

 

Voir le blog de Pierric Guittaut :

https://pierric-guittaut.blogspot.be/

 

Voir aussi mon Journal de lectures

 

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09 juin 2016

Les libres mémoires de Jacques Franck

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Légende vivante de la vie culturelle belge, le baron Jacques Franck (1931) livre enfin ses « libres mémoires » aux milliers de lecteurs, qui,  parfois depuis des décennies, le suivent au fil des pages de La Libre Belgique, le prestigieux quotidien dont il fut naguère le rédacteur en chef.

Né dans une vieille lignée d’Anvers - l’un de ses aïeux ne fut-il pas, au XVVIIIème siècle, amiral de la flotte espagnole ? - , Jacques Franck incarne le patricien du pilier catholique… et, en même temps, une figure atypique de l’intelligentsia belge, en tout cas l’une des plus attachantes. Journaliste dans l’âme depuis la fin de la guerre, passionné par l’acte de comprendre au point d’avoir fait de l’impératif latin Intelligite (« Comprenez ! ») sa devise nobiliaire, Jacques Franck est aussi un critique fort écouté (l’un des derniers, je le crains) pour qui le monde des livres, du théâtre et du ballet ne recèle plus guère de secrets. Depuis soixante ans, l’homme a connu tout le monde, du leader socialiste Guy Spitaels à la Princesse Lilian, de Marguerite Yourcenar à Maurice Béjart, de Philippe Beaussant à Bernard de Fallois. Il a fréquenté les théâtres, les bars et les salons ; il a hanté le Sénat et la Maison du Peuple avant sa démolition ; on le croise le soir au Cercle Royal Gaulois artistique & littéraire ou à l’Opéra de la Monnaie. Il a connu Tournai en flammes à l’été 40 et le fracas des V1 tombant sur Anvers, l’Affaire royale et la décolonisation, le service militaire (bel éloge du drill : « danseur ou soldat, même beauté, même combat !») et cette fameuse crise d’un jour durant laquelle Baudouin le Catholique, par une « imprudence royale », se plaça dans l’impossibilité de régner, pour ne pas signer la loi dépénalisant l’avortement.

Justement, Jacques Franck dirigeait alors le principal quotidien catholique, auquel il fit prendre un tournant libéral, car cet homme de conviction se méfie des utopies comme des blocages mentaux, en subtil disciple de Machiavel et de Tocqueville, en bon élève des Jésuites aussi, dont il subit la férule à Namur avant de terminer son droit à Louvain, à l’époque francophone. Toute un Belgique, de jadis et de naguère, d’aujourd’hui et de toujours, apparaît au fil d’un récit rédigé comme un roman d’aventures, tant l’écrivain parvient à transcrire son inlassable curiosité, servie non seulement par une mémoire phénoménale, mais aussi et surtout par une culture éblouissante. Des moralistes du Grand Siècle aux Romantiques allemands,  qu’il connaît par cœur, des cadets dont il salue les premiers livres (j’en sais quelque chose) aux grands historiens français, Jacques Franck a beaucoup lu et assimilé, et davantage réfléchi, tel un petit-fils d’Erasme. De Stendhal aussi, quand il évoque son premier voyage en Italie vers 1956, suivi de nombreux autres. L’Allemagne de Goethe et d’Hölderlin lui est aussi une patrie, et Berlin sa ville préférée.

La Vie est un voyage se révèle bien plus précieux qu’un livre de mémoires, car à l’érudition se joint l’essentiel, la sensibilité, exprimée avec tact, toute en nuances. Esthète et moraliste, l’homme cultive la probité et pratique l’amitié avec élégance. Saluons !

Une citation pour la route : « on ne bâtit pas sur l’improvisation, même inspirée, ni sur les sentiments, même généreux. Une pensée procède d’un dialogue toujours renouvelé entre la raison et le cœur, entre l’acquis et l’innovation. Enfin, un grand journaliste doit avoir le sens de l’Etat. »

 

Christopher Gérard

 

Jacques Franck, La Vie et un voyage. Libres Mémoires, Ed. L. Wilquin, 344 pages, 25 €

 

 

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