Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26 novembre 2015

Noble Belgique

 

Belgique, littérature

Les bons Dictionnaires amoureux tiennent davantage de l’autoportrait que de l’encyclopédie, d’où leur charme et leur intérêt. Cette règle, le Dictionnaire amoureux de la Belgique l’illustre à la perfection : gourmand jusqu’à la boulimie, d’une précision parfois maniaque, érudit jusqu’au vertige, surprenant autant qu’original avec une touche d’excentricité « bien belge », passionné comme un jeune homme, tel se révèle Jean-Baptiste Baronian. Oui, vous avez bien lu : il aura fallu un Arménien d’Anvers pour composer cette si bienvenue défense et illustration de la Belgique.

D’Académie (pour ne pas débuter par Adamo) à Yourcenar, cette somme de sept cents septante pages aborde mille domaines, des plus prévisibles (« art nouveau, tarte à la crème de la culture en Belgique ») aux plus farfelus (Agathopèdes & Bollandistes). Chicon (endive belge), crevettes grises, speculoos, anguilles au vert, waterzooi combleront les gourmets (de même qu’un hommage à Gaston Clément, qui régna naguère sur les cuisines belges); balle pelote, billard et cyclisme amuseront les sportifs. L’ahurissante érudition de l’auteur lui permet de brosser un tableau de la musique en Belgique, notamment contemporaine, car Jean-Baptiste Baronian ne brime jamais son inlassable curiosité : s’il connaît Grumiaux, Beaucarne et Grétry, il n’ignore rien des compositeurs actuels les plus pointus. Les écrivains, on s’en doute, sont à la fête, d’Owen à Prévot, sans oublier Simenon, une autre passion de l’auteur, et Gevers, et Froissart. Intarissable sur les peintres (bel éloge de James Ensor), Baronian connaît aussi le folklore et la bière. Et les belgicismes, qu’il défend avec courage. Une synthèse donc, savoureuse et stimulante – comme la Patrie des Arts et de la Pensée.

 

Christopher Gérard

Jean-Baptiste Baronian, Dictionnaire amoureux de la Belgique, Plon, 772 pages, 25€.

 

Belgique, littérature

 

Écrit par Archaïon dans XVII Provinces | Lien permanent | Tags : belgique, littérature |  Facebook | |  Imprimer |

16 novembre 2015

Matzneff noster

ob_637ff3_capture-d-e-cran-2015-11-02-a-14.jpg

 

Récemment, je terminais l’une de mes chroniques consacrées à Gabriel Matzneff en rappelant que, quoi que grommellent les envieux, ce disciple d’Epicure compte parmi les rares classiques d’aujourd’hui.

L’opportune réédition de Boulevard Saint-Germain, augmentée d’une magnifique préface, m’offre l’occasion de confirmer ce jugement : quelle  fluidité de la langue, quelle aisance à invoquer les ombres comme à chanter les plaisirs de l’existence, quel éloge de Paris, la cité de l’empereur Julien !

Voyez ces lignes : « Souvent, lorsque je suis à Paris et que l’air est doux, je vais m’asseoir sur un banc du square de Cluny qui, entre les ruines du palais et l’asphalte du boulevard Saint-Germain, forme un timide asile de verdure, et, fermant les yeux, je me dis : « Rentre en toi-même, Gabriel, et comprends que c’est ici, oui, ici, que le Génie de l’Empire est, en cette nuit mémorable, apparu à Julien. » Quelle plus belle évocation, digne d’un mage de l’ancienne religion, que celle d’une nuit glaciale de février 360, quand les troupes celtes révoltées portèrent sur le pavois le jeune Julien, proclamé empereur à Paris ! L’aventure, trop courte, de Julien II dit l’Apostat commençait. Et voilà que l’orthodoxe Matzneff s’exclame : « rien n’est plus digne de respect que la tentative de restauration opérée par Julien : offrir à nouveau des sacrifices sur les autels abandonnés de Vénus et de Bacchus ».

A l’époque de la première édition, en 1998, Paris n’avait pas encore honoré son premier empereur (le second étant Napoléon). Contrairement à ce que m’écrit l’ami Matzneff dans son envoi manuscrit, cet oubli a été réparé, puisqu’une venelle du XIVème arrondissement porte l’illustre patronyme. A l’époque, j’avais eu l’heureuse surprise de découvrir que je figurais parmi les personnages de ce roman parisien, aux côtés de S.A.I. Julien II, de Casanova et d’Armani, de Montherlant et de Bourvil…

Matzneff nous fait visiter son Paris, ses librairies et ses restaurants, ses salons (celui de Jacques de Ricaumont, détenteur d’une recette mythique de gâteau au chocolat) et ses boutiques. Il nous éblouit par un savoir d’une parfaite élégance.

Boulevard Saint-Germain ? Un hymne au bonheur, à lire et relire en hommage à la cité en deuil. Une pérégrination urbaine, tour à tour drôle et érudite, coquine et émue, un fragment de mémoire que nous laisse ce libertin de race, qui masque à peine une âme inquiète, en laquelle s’équilibrent virilité et sensibilité.

 

Christopher Gérard

 

Gabriel Matzneff, Boulevard Saint-Germain, La petite vermillon, La Table ronde, 8,70€.

 

bsg.png

 

Sur Gabriel Matzneff,

lire aussi mon Journal de lecturesNobles Voyageursn couverture seule.jpg

 

Écrit par Archaïon dans Mousquetaires et libertins | Lien permanent | Tags : littérature, paris |  Facebook | |  Imprimer |