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20 novembre 2013

Avec Stendhal

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Avec Stendhal, contra mundum : tel pourrait être le leitmotiv du livre si plein d’humour et d’esprit de Philippe Berthier. Le vénérable professeur de la Sorbonne, l’éditeur maniaque de Stendhal dans la Pléiade, l’auteur de maintes études savantes dont une splendide biographie, bref le stendhalissime en chef nous livre sa confession ; il fait son coming out, pour parler moderne. En un mot comme en cent, d’érudit il se fait beyliste, pour la plus grande joie de ses lecteurs. Amoureux de Stendhal depuis près de soixante ans, Philippe Berthier s’amuse à comparer les pensées, les attitudes de son ami Henri Beyle (1783-1842) aux siennes propres, et ce sur tous les sujets de prédilection du Milanais : l’amour, la guerre, l’argent, l’opéra, la famille, les voyages… Tout Stendhal est ainsi relu, crayon à la main, avec amour et compétence. Il s’agit bien du bilan d’une longue liaison, qui emporte l’approbation du lecteur, qui jubile à chaque page tant l’arte di godere -  chasse au bonheur ou quête du divin plaisir – transparaît dans la moindre ligne. Si le génie de Stendhal fut « de fonder sur l’amitié le pari de sa destinée posthume » et donc d’envoyer une convocation d’outre-tombe à des amis futurs, celui du fidèle Berthier s’applique à transcrire avec un sens évident de la formule et une rare liberté de ton la « persistance irrédentiste » de Stendhal, c’est-à-dire l’inébranlable volonté de « refuser le contrôle du moi par le non-moi ». Du coup, cet Avec Stendhal qui claque comme un cri de ralliement se révèle un authentique traité de beylisme, style de vie qui consiste à ne jamais subordonner ce que l’on se doit à soi-même à ce que l’on devrait aux autres. Le beylisme est, contre vents et marées, un culte de la liberté intérieure, la moins pratiquée, et Stendhal, tout jacobin qu’il se prétendît, admirait les Chouans en raison de sa nature aristocratique. Les grands clivages doivent peu aux idées, presque tout aux tempéraments. Illustrons celui du cher Berthier par deux citations : « Sans être apocalyptique, Stendhal prédit un arasement généralisé. Pénéplaine universelle. Abaissement de la vie intellectuelle et artistique, qui descend à la portée d’un public désormais fruste, anesthésie de l’exigence civique chloroformée par le culte de la prospérité matérielle et du marché. Américanisation, en un mot. » Stendhal antimoderne ! Ou celle-ci : « Je trouve extraordinairement pesante la chape d’intolérance que les professionnels de la tolérance et les coryphées du conformisme régnant étendent sur toute manifestation de « mauvais esprit », aussitôt taxée de « dérapage », comme s’il fallait obligatoirement suivre l’autoroute de la pensée unique. (…) Tout écart est aussitôt sanctionné, avec chasse à l’homme et appel au meurtre symbolique : Renaud Camus et Richard Millet en savent quelque chose. Quand on ne partage pas le catéchisme multiculturel, quand on ose croire que le terme « identité » n’est pas en soi un gros mot, on est aussitôt désigné comme la bête à abattre ». Livre apéritif, Avec Stendhal servira de mot de passe aux esprits indociles, aux beylistes d’aujourd’hui et de demain.

 

 

Christopher Gérard

 

Philippe Berthier, Avec Stendhal, B. de Fallois, 18€

 

 

Écrit par Archaïon dans Mousquetaires et libertins | Lien permanent | Tags : stendhal, beylisme |  Facebook | |  Imprimer |