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21 septembre 2022

In memoriam Henry de Montherlant

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Le 21 septembre 1972,

Henry de Montherlant se donnait la mort.

Pensons à lui !

 

« Je vois qu’arrivé au terme de ma vie j’ai bouclé la boucle, je suis revenu à la foi de mon adolescence, c’est-à-dire à l’absence de foi ; mais sympathie pour la religion, mêlée à amour pour le Grand Pan ».

La Marée du soir (1972) 

 

La voix de Montherlant :

 

http://www.montherlant.be/audio-32-montherlant-poeme-3.html

 

 

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19 septembre 2022

Présence de Max-Pol Fouchet

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Exceptionnelle vente de livres rares - plus de 1200 lots - que celle qui se déroulera les 8 et 9 octobre prochains à l’Hôtel des ventes de Mayenne, puisqu’il s’agira de disperser la bibliothèque de Max-Pol Fouchet (1913-1980). Poète, fondateur en 1939 de la revue Fontaine, écrivain, critique, ethnologue, homme de radio et de télévision (Lectures pour tous), l’homme connut tout le monde depuis la fin des années 30 jusqu’à sa mort en 1980, soit pendant le dernier âge d’or de la littérature française. C’est le libraire de la rue Gay-Lussac, Alexis Chevalier, alias Le Pélican noir (http://www.pelican-noir.com/), un homme d’une érudition aussi fantastique que généreuse, qui a rédigé le catalogue de cette vente historique. Il a pu, l’heureux homme, pénétrer dans la maison de l’écrivain, située rue de Bièvre, et restée intacte depuis 1980, telle une bulle temporelle. Le rêve de tout bibliomane, des murs tapissés jusqu’au plafond de livres, souvent en édition originale…

 

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Parmi les pièces remarquables, le manuscrit autographe du poème Liberté de Paul Eluard avec envoi, texte emblématique de la Résistance. Directeur à Alger de Fontaine, revue littéraire « dissidente », Max-Pol Fouchet correspondit avec Aragon, Char, Beckett, Michaux, Artaud, Cocteau – comme en témoignent nombre de lettres mises en vente. Gide et Giono, Montherlant ( deux lettres étonnantes de 1936 sur la guerre industrielle), Saint John Perse et Yourcenar… Et des SP en cascade ; de Butor à Jaccard, de Gary à Triolet, et même Blondin, Abellio, Cioran et Dominique de Roux. Splendides lettres de Georges Mathieu aussi. Bref, une vente historique.

https://www.librairiegaylussac.fr/le-catalogue/

 

Christopher Gérard

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07 août 2022

Stefan George et l’Allemagne secrète

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Étrange figure que celle, à la fois oubliée et occultée, du poète Stefan George (1868-1933), considéré par certains comme le Dante allemand, mort en Suisse près de Locarno, volontairement éloigné de sa patrie en un temps de grand basculement politique. Un trop bref essai de l’historien Benjamin Demeslay vient rappeler au public francophone l’existence de ce poète ésotérique et chef d’école aux allures de gourou, comme en témoignent les étonnants clichés du Maître, qui témoignent d’un art certain de la mise en scène. Traduit en français dès 1941 (chez Aubier – Montaigne), puis oublié et retraduit aux éditions de la Différence en 2009, Stefan George est peu étudié ; il n’existe à son sujet qu’une remarquable biographie en anglais, celle du professeur Robert Norton, Secret Germany. Stefan George and his Circle (Cornell Univ. Press, 2002). Se trouve aussi une grande thèse en français publiée, en 2010, sur ses liens avec Mallarmé, par son traducteur, Ludwig Lehnen.

 

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Peu de choses en somme sur un grand poète et sur son cercle de disciples, qui compta d’immenses esprits tels que Kantorowicz, Klages, Bertram, sans oublier les frères von Stauffenberg, conjurés de l’Attentat manqué contre Hitler du 20 juillet 1944.

Stefan George appartint à ce courant idéaliste, ou « fondamentaliste esthétique », héritier du symbolisme, influencé par Baudelaire et Mallarmé, proche de peintres tels qu’Ensor et Khnopff, radicalement antimoderne, quasi platonicien (y compris dans ses dimensions « homophiles », l’attachement du Maître et de ses disciples n’évitant pas l’équivoque). Dès la fin du XIXème siècle, par ses poèmes et sa revue Feuilles pour l’Art (1892-1919), George illustre et défend une vision radicale de l’art et de la vie sous une forme souvent cryptique, ouvertement ésotérique. Il s’inscrit, comme chez Wagner ou Paul de Lagarde, dans un vaste mouvement postromantique d’affirmation de l’identité germanique et de l’approfondissement de ce que le poète nomme Allemagne secrète. Son recueil, Le Nouvel Règne (1928), le place à l’avant-garde du mouvement national, avec toutes les ambiguïtés que l’on devine. Dès 1933, le nouveau « règne » révèle ses penchants populaciers et criminels. Le poète s’éloigne ; le régime le met à distance après une timide tentative de récupération. Stefan George partage en ce sens le destin malheureux de la Révolution conservatrice et de tous ceux qui rêvèrent à une restauration d’un ordre traditionnel, comme les frères Jünger, Martin Heidegger et Carl Schmitt, qui passèrent rapidement du statut d’alliés potentiels à celui d’adversaires étroitement surveillés. Ce revirement est incarné par la chevaleresque figure du comte Claus von Stauffenberg, disciple favori du Maître, qu’il veilla en 1933, futur conjuré de 1944, fusillé par les SS en criant « Vive l’Allemagne secrète ! ».

Fascinante figure, ambiguë certes, que celle de ce révolté contre l’apocalypse moderne, et qui marqua des esprits aussi éloignés de lui qu’Adorno et Schönberg.

 

Christopher Gérard

 

Benjamin Demeslay, Stefan George et son Cercle. De la poésie à la révolution conservatrice, La Nouvelle Librairie, 72 pages, 9€

 

 

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02 août 2022

Agir ou subir ?

 

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A priori, je ne puis accorder, je le concède sans fausse honte, un seul atome d’attention à toute cette littérature managériale et/ou de bien-être du style « produire dans la bonne humeur bio » ou « danser avec les arbres ». Les PuissancePoints me font somnoler ; les conseils de requins auto-satisfaits me donnent la nausée. Quant aux niaiseries New Age

Pourtant, quand j’ai vu que Raphaël Chauvancy (°1978), dont j’avais lu le bel essai sur Jacques Laurent, sans doute le plus doué des Hussards, copubliait, avec un spécialiste en intelligence économique, Agir ou subir ?, je l’ai commandé sans hésiter, curieux de voir ce que cet officier supérieur des Troupes de marine (garder la minuscule, merci), détaché au sein des Royal Marines de Sa Gracieuse Majesté, avait à dire sur le rôle de l’esprit commando dans les projets personnels ou professionnels.

Je ne suis pas déçu par la haute tenue de l’essai, qui s’abreuve aux meilleures sources : Sun Tzu, le Maréchal de Lattre (« Ne pas subir ! ») ou encore René Quinton, l’auteur trop méconnu de puissantes Maximes sur la guerre. Raphaël Chauvancy utilise sa formation acquise dans les forces spéciales pour définir, dans un style aussi mâle que limpide, comment penser pour vaincre. Et vaincre signifie refuser de subir : il aurait d’ailleurs pu citer Dominique Venner : « Exister, c’est combattre ce qui me nie ».

Or, la vie sociale, culturelle, politique ou économique est toujours un terrain d’opération, avec ses vainqueurs et ses vaincus. Pour citer mon cher Héraclite : le conflit est le père de toute chose.

L’objectif de notre centurion est bien « d’extraire de l’ethos militaire l’état d’esprit et les approches transposables dans le monde civil », d’adapter à notre temps les valeurs cardinales de la deuxième fonction indo-européenne, celle des Kshatriya de l’Inde ancienne ou de notre noblesse d’épée : courage (« la première des qualités humaines » selon Aristote, l’éducateur d’Alexandre) et excellence, unité et adaptabilité, humour et humilité, joie et abnégation, et enfin détermination. Ces neufs valeurs doivent cohabiter à un niveau similaire chez le même homme (la même femme) pour constituer une chaîne incassable.

La devise des commandos, Who Dares Wins, « Qui ose gagne » est centrale dans cette préparation mentale aboutissant, écrit Chauvancy, à « la joie d’être l’artisan de sa propre vie, l’architecte, le bâtisseur et l’occupant de son temple intérieur ». À rebours du siècle, triste et geignard, notre officier exalte ce courage, unanimement loué mais rarement apprécié dans la vraie vie, sans doute le plus difficile, celui de « s’opposer aux idées reçues, de refuser les mimétismes et de combattre les dogmes ». 

 

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Deux chapitres m’ont particulièrement marqué, celui sur l’humilité et celui sur l’humour. La première qualité, dont je ne pense pas être excessivement pourvu, permet d’observer sans œillères un adversaire ou une situation de crise. Les grandes raclées ne sont-elles pas surtout dues, non pas à un manque de renseignements, mais plutôt au refus de voir ce qui est… et ce qui dérange le plan ou l’image tronquée, rassurante, que l’on se fait de la réalité ? Chauvancy rapproche fort à propos cette vertu d’humilité de la sôphrosynè hellénique, cette tempérance et cette modération propres aux meilleurs. Très justes aussi, ses propos sur la nécessité de l’humour, si possible mordant : créateur de confiance et de cohésion chez les camarades et déstabilisateur pour l’ennemi, qu’il enferme et paralyse dans une bulle cognitive – le piège du faux sérieux.

En valorisant comme il le fait la dureté et le refus des fausses fatalités, l’élan vital et la joie de l’effort, la discipline et le panache, Chauvancy fait avec une magnifique vigueur l’éloge de l’esprit corsaire, qui résiste aux normes comme aux rassurantes impostures.

 

Christopher Gérard

 

Raphaël Chauvancy & Nicolas Moinet, Agir ou subir ? L’esprit commando pour muscler votre projet professionnel ou personnel, Dunod, 156 pages. Voir aussi, Jacques Laurent, dans la collection Qui suis-je ? des éditions Pardès.

 

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21 juillet 2022

Fry's Ties

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L’un de mes plus vifs plaisirs, lors de chacun de mes passages à Londres, est de m’attarder chez Hatchard's, 187 Picadilly, libraires depuis 1797 et fournisseurs de la Cour (by Appointment to Her Majesty the Queen, to H.R.H. the Duke of Edinburgh and to H.R.H. the Prince of Wales).

 

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Nous sommes à deux pas des merveilles de Jermyn street, de Wilton’s, le plus ancien restaurant de Londres (since 1742) et de Burlington Arcade - une sorte de triangle d’or, ou disons de Saint des Saints, pour les anglomanes.

Quatre étages de livres où se perdre dans une parfaite quiétude, un personnel attentif, des tapis moelleux, et cette excellente idée de proposer aux visiteurs des signed copies de nouveautés choisies - j’ai ainsi pu m’offrir deux romans de John le Carré signés, et Fry’s Ties, de Stephen Fry (1957), célébrissime acteur britannique (hilarant aux côtés de Hugh Laurie ou de Rowan Atkinson), écrivain et homme de radio. Ce volume a attiré mon attention grâce à la citation de P.G. Wodehouse sur sa couverture : « What do ties matter, Jeeves, at a time like this ? There is no time, sir, at which ties do not matter. » Pour un amateur de cravates tel que votre serviteur, la citation a comme un goût de signe de ralliement, à rebours du débraillé de rigueur.

 

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La cravate a en effet mauvaise presse, vue comme un instrument de torture, ce qu’elle n’est pas (une cravate ne « serre » jamais le cou de celui qui la porte, c’est la chemise qui, dans ce cas, n’est pas ou plus à la bonne mesure. Il suffit de passer à la taille supérieure de la chemise … ou, plus héroïquement, de faire un régime), ou encore comme le symbole d’une masculinité, évidemment toxique, et donc honnie par puritaines & pisse-vinaigres.

Il est vrai que la cravate symbolise à la fois un code, une autorité, en un mot une verticalité à laquelle notre époque furieusement égalitaire semble de plus en plus allergique. Le meurtre du Père, la haine de toute autorité, l’obligation implicite de ne jamais sortir du rang sont devenus des dogmes qui ne se discutent plus sous peine de vertueuse exclusion. Exit la cravate, condamnée comme les guêtres ou la chaise à porteurs ? Voire.

L’amusant livre de Stephen Fry constitue une magnifique et souvent spirituelle défense à la fois du goût et de la forme comme manières de résister à l’indifférenciation moralisatrice.

Tout jeune, Fry se montrait déjà réfractaire à l’esprit de son temps, à l’époque pré-punk des 70 : à quinze ans, ne possédait-il pas déjà quarante cravates ? Qui dit mieux ? Ne se vantait-il pas de ne porter que des vêtements de l’époque de son grand-père ? Ne poussait-il pas la provocation à ne fumer que des Balkan Sobranie, à ne lire que des auteurs du passé : Waugh, Kipling  et Wilde ? Sacré Fry !

 

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Son livre, celui d’un dandy qui ne se prend aucunement au sérieux, est illustré de clichés et présente des cravates de sa collection personnelle, chacune devenant le prétexte à des évocations souvent drôles, à des réflexions parfois mélancoliques sur le temps qui passe, sur le style et l’art de vivre. En filigrane, belle et lucide critique de ce qu’il appelle justement The Great Disruption - « What was respectable yesterday is repressive and despicable today ».

Nous le suivons de Jermyn street, la rue des chemisiers londoniens, à Madison Avenue, de Milan à Melbourne. Jeu avec la mémoire, exercice pratique d’élégance, Fry’s Ties se lit d’une traite, crayon à la main. Page après page, l’auteur partage avec nous sa passion pour les belles soies tissées ou imprimées, pour le toucher d’une cravate ; chaque cravate lui évoque un épisode de sa vie, de son admission au Garrick Club, le cercle des hommes de théâtre, à deux pas de Covent Garden (cravate salmon and cucumber) à celle du Marylebone Cricket Club (cravate eggs and bacon), le très sélectif club des amateurs de ce sport incompréhensible. Fry nous explique le principe des stripes, ces rayures de couleur qui constituent le signe codé d’une appartenance à un régiment, un club ou un collège (Eton : fond bleu de Prusse et fines rayures bleues), voire une entreprise. Les British reps ties ont ceci de particulier que les rayures, les stripes, descendent de l’épaule gauche, du cœur, à la main droite - l’inverse trahissant, horresco referens,  une cravate américaine.

Fry semble chez lui dans les plus grandes maisons, de Turnbull & Asser, qui fournit en son temps Kim Philby et James Bond. Au sous-sol de ce magasin, on peut encore voir, parmi de sublimes pyjamas, le siren suit taillé sur mesure pour Churchill pendant le Blitz (d’où l’allusion aux sirènes d’alarme) : une sorte de salopette en velours, pratique pour travailler au War Cabinet  tout en fumant le cigare. Il évoque aussi, parmi bien d’autres, New & Lingwood, fournisseurs officiels d’Eton College depuis 1865, une autre adresse dont je pousse la porte à chacune de mes visites dans la Burlington Arcade, juste en face de la statue en bronze de Brummel : j’y ai acquis, moi qui ne fume que quatre cigares par an, un smoking hat en velours, une sorte de fez ou de tarbouche, orientalissime et d’un chic absolu, pour lire et relire John le Carré.

 

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L’éloge que fait Stephen Fry de Brooks Brothers (established 1818) m’a transporté d’enthousiasme : ah, ces nœuds papillons ! Comment ne pas se désoler davantage de la fermeture du somptueux magasin londonien de Regent street, remplacé par un entrepôt à fripes pour adolescents attardés ?

D’autres évocations m’ont en revanche laissé de marbre : telle ou telle cravate psychédélique, ornée de pandas ou de grenouilles… Mais une touche de mauvais goût, calculée avec minutie autant qu’assumée avec assurance, ne relève-t-elle pas, parfois, d’une forme d’élégance, en tout cas d’une sorte de courage suprêmement British ?

Bref, une promenade pleine d’humour et de charme qui plaira aux esthètes et à tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans certaine grisaille obligatoire.

 

 

Christopher Gérard

 

 

Stephen Fry, Fry’s Ties. The Life and Times of a Tie Collection, Michael Joseph, 256 pages, 14.99£

 

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 Lire aussi :

 

http://archaion.hautetfort.com/archive/2020/12/28/le-chouan-des-villes-6287020.html

 

 

 

 

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