Bonnes nouvelles de Gérard Oberlé
24 février 2016
Ripailleur, anarchiste, polyglotte, bibliophile et dipsomane : ce Chassignet que nous décrit Gérard Oberlé se révèle franchement suspect, au point, horresco referens, de se gausser des « histrions de l’erreur galiléenne », du « pilou-pilou théophagique », et de s’afficher, non sans crânerie, comme « un adepte tardif des cultes abolis ». Circonstance aggravante, le bougre cite Pétrone et Rabelais, chante les vins de Bourgogne et, oui, l’oubli, « l’oubli plus doux que le souvenir ».
Puits de science, l’auteur d’Itinéraire spiritueux et des splendides Mémoires de Marc-Antoine Muret récidive ainsi avec ce récit en trois parties, où le lecteur partage la vie d’un humaniste français du XXIème siècle, des rivages du Nil aux paillottes de la Nouvelle-Calédonie, en passant par le Sud profond. C’est à Assouan, dans ce palace Old Cataract que fréquentèrent Agatha Christie et Winston Churchill, que se déroule le récit le plus abouti du recueil : Oberlé décrit avec délices ses amis égyptiens, la faune haute en couleurs des expatriés… Une baronne perdue, un exilé romain, un dandy bostonien, l’inévitable voyou local dansent sous nos yeux une pavane quelque peu surannée, juste assez funèbre, ô combien séduisante. Délicieusement à rebours du siècle jusque dans sa mélancolique gaieté, le styliste entortille son lecteur par d’érudites calembredaines. Gérard Oberlé ? Un baroque égaré, un Païen de la décadence, un Précieux libertin : le petit maître dans toute sa splendeur.
Salve, nobilissime.
Christopher Gérard
Gérard Oberlé, Bonnes nouvelles de Chassignet, Grasset, 212 pages, 17 sesterces.
Voir aussi mon Journal de lectures
Les commentaires sont fermés.