Friedrich Glauser : mystère et clarté
25 janvier 2014
Singulière figure que celle de Friedrich Glauser (1896-1938), écrivain suisse allemand parfaitement francophone qui passe sa courte vie à errer dans l’Europe de l’Interbellum. Né à Vienne, il perd tout de suite sa mère ; il fréquente les collèges chic et l’Université de Zurich, où il participe au mouvement dada. Très tôt, les démons du chaos lui dictent la marche à suivre : conflits avec l’autorité, vols, toxicomanie (morphine, opium). Il fait l’expérience de l’enfermement, psychiatrique pour « démence précoce », judiciaire pour des larcins. En 1922, Glauser signe pour cinq ans à la Légion, mais au bout de deux ans, le voilà réformé et casserolier dans un grand hôtel parisien. Puis mineur de fond à Charleroi. Malaria, alcool, taule à nouveau, psychanalyse, amours : tout est convulsif et tourmenté chez lui, y compris sa fin, rocambolesque : à la suite d’une fracture du crâne, il tombe dans le coma la veille de son mariage pour mourir le surlendemain. Un météore. Ses errances n’empêchent pas Glauser de noircir du papier pour des revues littéraires suisses, et même de composer des romans policiers. Grâce au travail aussi fervent que soigné de son traducteur, Claude Haenggli, cet étrange personnage nous revient du monde des morts avec un recueil de quinze nouvelles au style épuré, d’une surprenante sobriété. Tous ces textes baignent dans une atmosphère de mystère, et même de réalisme magique. Magie noire avec La Sorcière d’Endor, qui donne son titre à l’ensemble, maisons hantées et fantômes, alternent avec des souvenirs de la Légion, chez les Berbères avec des Russes blancs, ou de la mine, dans des galeries de 60 cm de haut. Glauser : un regard acéré ; une ligne claire - le talent.
Christopher Gérard
Friedrich Glauser, La Sorcière d’Endor et autres récits, L’Age d’Homme, 162 p., 17€
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