Avec Anne Richter (01 janvier 2022)
D’Anne Richter (1939-2019), Vladimir Dimitrijevic, son éditeur des éditions L’Age d’Homme, disait justement : « Vous habitez tout ce que vous écrivez ».
Avant de publier des essais littéraires sur Simenon et Milosz, ou encore, sa spécialité, sur le fantastique féminin, Anne Richter avait publié des recueils de nouvelles, comme L’Ange hurleur, Le Chat Lucian, La Promenade du Grand Canal, textes élaborés avec soin et dont le point commun semble bien « une adhésion au mystère qu’il faut essayer de décrypter sans le déflorer ».
Sa fille Florence a eu l’excellente idée de faire rééditer son premier livre, publié à l’âge de quinze ans et d’emblée salué - à juste titre - comme prometteur.
Les dix-huit contes brefs qui composent La Fourmi a fait le coup disent en effet le « poète-peintre » en herbe, pour citer Franz Hellens, grand manitou des Lettres belges des années 50. La jeune Anne Bodart (elle n’avait pas encore épousé le germaniste Hugo Richter) y révèle, outre sa totale originalité, une prose subtile servie par une profonde culture classique - acquise sur les bancs de l’un des plus prestigieux lycées de la capitale belge, situé dans le Parc Léopold, à deux pas de ce qui deviendrait un jour le pharaonique complexe de l’Union européenne.
Ces nouvelles se rattachent au genre du réalisme fantastique, que l’écrivain allait développer au fil des ans. Elle y cède la parole à des animaux, par exemple un rat londonien qui pourrait bien être une sorte de César (dont il partage la fin tragique) ou même à des choses. Toutes ces historiettes baignent dans une atmosphère lucide, parfois caustique, tant va loin sa réflexion sur la nature humaine, étonnante chez une adolescente nourrie de Colette et de Shakespeare. Déjà, Anne Richter ouvre les portes d’un univers pour la plupart insoupçonné où communiquent l’animé et l’inanimé - comme dans les anciennes mythologies dont elle était férue. Maîtrisée, la langue joue avec l’implicite et les épithètes, avec autant de brio - le talent qui s’annonce -, de caractère (elle n’en manqua jamais), que de charme.
A relire ce bijou de ma défunte amie, je me rends compte à quel point elle me manque.
Christopher Gérard
Anne Richter, La Fourmi a fait le coup, Samsa, 70 pages, 20 €
Anne et Florence Richter, à la Foire du Livre, au stand de L'Age d'Homme
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