Martha Argerich (24 décembre 2021)
« Pianiste-chamane », Martha Argerich est l’héroïne du dernier livre de Véronique Bergen, poète, essayiste … et pianiste dont le regretté Jacques De Decker me vantait naguère la finesse du toucher.
Son portrait de l’interprète, décrit comme une « évocation rhapsodique » est ouvertement subjectif ; il se double d’une réflexion en profondeur sur l’effet de la musique sur un quadruple corps : celui du compositeur, de son interprète, du public et de l’instrument. Le caractère théurgique de la musique en tant que culte à mystère est magnifié dans cet essai aussi érudit que lyrique, où l’architecture de l’œuvre et la palette des coloris trouvent leur subtil équilibre.
Car Martha Argerich parvient, et c’est là que réside son génie, à consilier, sur le fil du rasoir, structure et couleurs, sans jamais se montrer trop cérébrale ni trop échevelée : « Retrouver la fraîcheur, voilà l’enjeu ». Véronique Bergen rappelle à propos l’aphorisme de Cioran, dans Les Syllogismes de l’amertume, « A quoi bon fréquenter Platon, quand un saxophone peut aussi bien nous faire entrevoir un autre monde ? » Comment parler de manière audible, sans bavardage abstrus, du sortilège musical qui apaise et guérit ? Mission accomplie.
Christopher Gérard
Véronique Bergen, Martha Argerich. L’art des passages, Samsa, 160 pages.
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