Dernières nouvelles du jazz
22 avril 2014
Auteur de deux essais sur le jazz, collaborateur de Jazz Magazine et des Cahiers du Jazz, Jacques Aboucaya incarne ce genre de spécialiste incollable qui, au bout de sept secondes, reconnaît tel concert donné en 1902 à la Nouvelle Orléans, tel jam session bruxelloise des années 40. Evoquer devant lui Art Pepper ou même Marcus Lowdeloo le plonge en transe, une transe que seul un triple bourbon hors d’âge parvient à calmer. Un dur et pur, un fondu du microsillon, empli d’un total mépris pour les CD (« ce signe qui sonne comme un ordre de capitulation »). Last but not least, Jacques Aboucaya est un écrivain de race : ce lettré, critique littéraire exigeant (dans Service littéraire par exemple), ce biographe exemplaire de Paraz, écrit, dans un français limpide, des nouvelles qui se dévorent séance tenante. Moi qui ai peu de goût pour le jazz (mis à part Swing 42 dans l’enregistrement inédit du Palazzo Concordia du 1er avril 1944), je n’avais pu, à l’époque (en 2006), lâcher son recueil de nouvelles avant d’en avoir dégusté la dernière page. Aujourd’hui que L’Age d’Homme a l’excellente idée de rééditer ce recueil enrichi de trois inédits, je réitère mon verdict : ciselées avec un respect infini du lecteur, ponctuées avec une rare maestria (« le bon tempo » dixit F. Cérésa), ces quinze nouvelles révèlent un auteur d’une clarté solaire. Loufoques (le désopilant Rabbit, ce mainate devenu critique de jazz ; ces extraterrestres fanatiques de Bud Powell) ou poignantes (la jeune vierge sacrifiée sur l’autel du saxophone), ces Dernières nouvelles du jazz sont bien d’un styliste de haut parage.
Christopher Gérard
Jacques Aboucaya, Dernières nouvelles du jazz, L’Age d’Homme, 15€.
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